Critique

Outbuddies

Développeur : Julian Laufer – Éditeur : Headup – Date de Sortie : 15 octobre 2019 – Prix : 17.99 €

Minuscule projet indépendant ayant pris racine en 2013 avec un seul homme à ses commandes – Julian Laufer – Outbuddies est un hommage appuyé et assumé à Super Metroid, et autres vieilleries du genre telles que Castlevania et Mega Man. Il nous conte l’histoire de Nikolay Bernstein, un archéologue mégalomane obsédé par la légende d’une cité-sous marine, qui ne serait rien d’autre que le berceau de l’humanité. Lancé à sa recherche, l’homme se retrouve accidenté, désorienté et entouré d’une faune hostile, loin, très loin, sous le niveau même de la mer. Le parallèle entre Julian Laufer et son héros est alors facile : la plongée dans le passé pourrait s’avérer douloureuse, si elle n’est pas exécutée avec une certaine virtuosité.

Vingt Mille Lieues sous la mer

Suite à un étrange concours de circonstances, Nikolay Bernstein s’éveille dans le monde perdu de Bahlam, dont la majorité des habitants se révèlent être méchamment agressifs. Heureusement, l’homme fait rapidement la connaissance de Buddy, sorte de droïde multifonctions et doué de parole qui l’assistera tout au long de son périple. Après un crapahutage de quelques heures, les deux compères feront la découverte d’un peuple pacifique, les Wozan, dont de nombreux membres sont retenus prisonniers par de machiavéliques créatures. Comme vous le supposez déjà, il incombera au duo de chocs, en plus de trouver une porte de sortie vers la surface, de libérer les Wozan éparpillés aux quatre coins de Bahlam.

Un scénario au refrain classique mais qui sait éveiller une certaine curiosité, car Bahlam semble receler de nombreux mystères et une mythologie bien particulière. Sauf que le soufflet retombe très vite. Les bases narratives posées dans les toutes premières heures de l’aventure n’étant jamais exploitées, on se désintéressera bien vite du sort de ce monde inconnu. Plus dommageable, la relation entre Nikolay et Buddy ne sera à aucun moment approfondie, et ce ne sont pas les quelques rares lignes de dialogue à l’écriture générique et sans charme qui vont nous aider à investir ce duo pourtant incongru. Dans une moindre mesure, le même constat peut se faire sur l’habillage sonore de Outbuddies : la musique au lancement du jeu se montre séduisante grâce à des tonalités discordantes et inquiétantes ; celle qui accompagne l’introduction est au contraire bien punchy avec de l’électro synthwave, certes très à la mode dans les jeux retro, mais toujours efficace ; puis l’ost s’essouffle brusquement, et ne proposera plus que des pistes oubliables – sans être pour autant mauvaises – si bien que je serais incapable de vous en siffloter un air, malgré une dizaine d’heures de jeu intensives.

D’un point de vue esthétique, Outbuddies ne va non plus vous émerveiller. Avec sa succession de couloirs alternant entre des coloris profonds – univers submergé oblige – et un effet de saturation vulgaire sur le rouge et le vert, la plastique criarde du jeu peine à convaincre. Il n’est pas aidé, il est vrai, par la répétitivité des environnements sous-marins du monde très organique de Bahlam. Ainsi, on ne peut empêcher la désagréable sensation de remâcher éternellement la même chique s’insinuer en nous, au fur et à mesure que les mêmes corridors obscures et fouillis se succèdent les uns aux autres. Seuls les boss ainsi qu’une poignée de salles s’en sortent avec les honneurs, et laissent entrevoir timidement le potentiel artistique de Outbuddies. 

Un bon moment pas dénué d’imperfections

Comme tout Metroidvania qui se respecte, Outbuddies démarre avec un protagoniste à poil en terme d’équipement, seulement capable de courir, sauter, rebondir sur les murs, et d’esquiver les attaques ennemies d’une subtile galipette avant – ne le faites pas en vrai, ça ne marche pas. Puis, arrive avec soulagement le premier flingue, sorte de fusil plasma qui permettra de foutre une branlée bien méritée à la racaille peuplant le monde de Bahlam, mais aussi d’ouvrir certaines portes auparavant closes. Outbuddies reprend donc cette mécanique chère aux Metroidvania, à savoir une progression non-linéaire et rendue possible grâce à l’obtention de nouveaux équipements (certains portes verrouillées ne s’ouvriront qu’avec une arme bien précise) allant du lance-roquettes aux mines, en passant par le très classique double-saut, jusqu’à ce pistolet à bulles permettant d’immobiliser temporairement les antagonistes pour s’en servir comme de vulgaires plate-formes.

Si les différents équipements sont assez nombreux pour renouveler et complexifier sans-cesse l’expérience de jeu, c’est essentiellement par la présence du droïde Buddy, que le soft se démarque de la concurrence. D’une simple pression du joystick droit – on vous conseille fortement de jouer à la manette – le joueur peut prendre le contrôle du petit robot et de ses quelques capacités. Buddy est donc capable de partir au-devant de notre archéologue pour découvrir des passages secrets ; il peut aussi déplacer des blocs rocheux grâce à son pouvoir télékinétique, afin de résoudre quelques énigmes ; ou encore « Hacker » certains ennemis (dans quelque chose de très similaire au glitch gun de Axiom Verge) pour les transformer en blocs, plate-formes, ou tout simplement pour les éliminer. Mais finalement, on se servira principalement de Buddy comme d’un éclaireur permettant d’anticiper les nombreux dangers qui guettent notre protagoniste.

Car bien qu’Outbuddies présente un challenge surmontable, il demande tout de même au joueur d’être armé d’une discipline de fer s’il souhaite en voir son terme. Certains boss – au demeurant très réussis – vont se montrer particulièrement retors, dénués de tout sentiment miséricordieux, et risquent de vous faire suer de stress et de frustration le sillon inter-fessier. Un poil plus fâcheux, la jouabilité pourtant globalement instinctive, s’accompagne d’imperfections agaçantes avec des sauts parfois imprécis dans le dosage de leur hauteur, mais aussi d’un choix de game design archaïque puisque notre personnage est incapable de tirer en diagonale. Cela a pour conséquence de corser artificiellement certains affrontements, en particulier lorsqu’on traverse une salle peuplée de monstres volants aux déplacements erratiques. Malgré ces quelques défauts, on prend plaisir à parcourir le monde de Bahlam et on s’y sent même vite chez-soi ; un peu comme quand on enfile des chaussons déglingués, mais somme toute confortable. C’est là la force de l’habitude. 

Outbuddies n’est pas un chef-d’œuvre, ni même d’ailleurs un excellent jeu, la faute à un sérieux manque d’innovation et à quelques imperfections irritantes. Mais Julian Laufer peut pousser un soupir de soulagement, son bambin n’en reste pas moins un hommage satisfaisant aux ténors du genre, largement capable de faire passer un bon moment aux amateurs de challenge corsé, attirés par un rugueux parfum de nostalgie.

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Gattu

Joueur biberonné à quelques vieilleries telles que Secret Of Mana, Half Life ou Day of the Tentacle ; aujourd'hui reconverti sur les jeux narratifs, principalement par manque de temps et... de temps.

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