Rapide Critique

Welcome to Elk

Développeur : Triple Topping – Éditeur : Triple Topping
Date de Sortie : 17 Septembre 2020 – Prix : 12,49 €

Welcome to Elk est une sorte d’ovni, un objet vidéoludique narrativement immuable. Il se cache derrière un graphisme au trait naïf et épais, dans un noir et blanc dessiné aux allures de cahier de coloriage qui n’attendrait qu’un enfant pour y coucher des couleurs. Des couleurs par ailleurs présentes, rarement cela dit, pour souligner les personnages de son île, lieu de son action, et les objets avec lesquels il sera possible d’interagir. Malgré sa candeur visuelle, il montre peu à peu au rythme de nos pas que son histoire est tout sauf une idylle faite uniquement de bons sentiments. Au contraire, il dévoile un visage plus humain, mais également plus mature et terre à terre.

Il ne s’agit pas d’un jeu où le mot performance ferait partie de son vocabulaire. Il s’agit avant tout d’une expérience principalement narrative, allant d’une petite histoire à une autre, se focalisant à chaque fois sur un habitant en particulier, dans la joie comme dans le drame pouvant parsemer toute vie normale. Au milieu de tout cela, comme pour casser toute éventuelle monotonie de ses moments particulièrement verbaux, de petites activités comme des mini-jeux viendront nous égayer d’une joyeuseté fugace entre deux moments lourds du poids de leurs émotions. Ces petits apartés ludiques pourtant inscrits ingénieusement dans le quotidien d’une vie qui passe au gré des jours et des nuits, ne réclament pas de réussite particulière.

Ainsi aura-t-on droit à un concours de danse où notre rivale d’un soir tentera de nous embrouiller les pinceaux, on aura à faire un collage de photos pour donner à un homme-enfant le portrait de ses potentiels parents ou bien encore aurons-nous à construire un piège à écureuil cocasse. Il n’y a rien à gagner dans ces activités si ce n’est une émotion, un regard sur la personnalité singulière des habitants de Elk ou simplement être le témoin de la vie âpre mais aussi chaleureuse sur cette île du bout du monde. Malgré son graphisme enfantin, Welcome to Elk nous dessine le trait réaliste d’une communauté liée par ses émotions et ses histoires qui parfois bien qu’excentriques, en constituent le tissu social.

C’est ainsi que se construit sa narration, sous la forme d’histoires individuelles se racontant au gré des jours qui passent, inscrites dans un quotidien parfois difficile dont le point de convergence revient souvent à se retrouver à l’Ermite, le seul et unique bar local. Il décrit une vie insulaire parfois abrasive dont la souffrance qui peut parfois en découler, se verra souvent noyée par ses habitants dans l’alcool, ces derniers non sans faire preuve de cœur quand cela est nécessaire. Derrière les apparences, sous le regard neutre et bienveillant de son héroïne Frigg, on apprend à apprécier et connaître ces individualités bien formées. Si vous n’aimez pas les jeux à histoire, peut-être que celui-ci ne sera pas fait pour vous. Pourtant, on s’attache et il devient difficile de rester insensible à ces bouts d’existence.

Welcome to Elk flirte aussi avec l’étrange dans un délire méta qui vient casser le quatrième mur puisqu’il se repose non pas sur de la fiction mais des histoires réelles pour alimenter son petit monde. Chacune des vies des habitants de l’île se repose et s’inspire en effet des témoignages d’événements s’étant réellement produits, aussi fantasques que certains aient pu être. Cela se produit parfois par une dose de surréalisme quand un individu sorti de nulle part invite Frigg à discuter, ou tout du moins le jeu ne nous offre pas d’autres possibilités que de le faire pour continuer à avancer. C’est en leur parlant que se déclenchera une vidéo où ces êtres humains bien vivants et bien existants, nous racontent leur histoire banale et incroyable à la fois, des histoires s’étant réellement passées.

En cassant ainsi le quatrième mur, le jeu nous invite à nous confronter à la réalité brute de ces gens qui vivent dans des conditions et des environnements tout autre. Leur vérité mise à nue a ce quelque chose de viscéral qui ne laisse pas indifférent dans un jeu qui n’en est un que par la nécessité de le ranger dans une catégorie. Il y a bien quelques allers et retours sans grand intérêt qui rallongent sa durée de vie sans nécessité, mais au-delà de ça, si faire l’expérience d’une communauté insulaire un brin isolée du reste du monde est une idée qui vous titille, Welcome to Elk saura vous accueillir pour une soirée au coin du feu, une bière bien fraîche à la main.

Vasquaal

Vasquaal

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