Critique

Earth Analog

BassKass
Publié le 22 février 2021

Développeur

Funcraft Games

Éditeur

Funcraft Games

Date de Sortie

11 février 2021

Prix de lancement

21 €

Testé sur

PC

La simulation, c’est un genre que l’on peut qualifier de « particulier ». Surtout celle d’engin spatial. Il faut prendre le temps de bien comprendre le fonctionnement de la machine, ses déplacements, de son tableau de bord à son interface. Sans être un simulateur très pointu en termes de connaissances aérospatiales, Earth Analog nécessite de s’habituer à quelques paramètres : la poussée, les informations données par le cockpit, les rétrofusées, le scanner. Les touches sont nombreuses mais n’offrent en théorie rien d’insurmontable. On apprécie même le temps du tutoriel les blip-bloup et les manoeuvres compliquées à effectuer pour ne serait-ce que réparer un module défectueux à travers des mini jeux d’adresse plutôt bien vus, donnant la sensation d’être un ingénieur de l’espace alors qu’on sait juste appuyer au bon moment, quand l’aiguille est sur le vert et pas sur le rouge.

Après tout, ne sommes-nous pas là pour rechercher une planète jumelle à la Terre dans les environs d’Alpha du Centaure ? Une telle découverte se mérite, et les promesses de paysages inoubliables font vite oublier les quelques soucis de clarté entrevus dans les premiers objectifs et l’ergonomie. La première planète et sa Lune impressionnent à première vue, et les captures d’écran fusent déjà.

C'est beau mais...

A la première entrée dans l’atmosphère, survient le premier crash. Personne ne vous prévient, la surface se rapproche dangereusement et vous avez beau braquer comme un damné vous sentez la Faucheuse vous faire coucou à l’arrivée. Une première fois. Puis une deuxième, car vous aviez oublié de couper la poussée automatique. Les contrôles ne sont pas réactifs, mais quel simulateur de vol n’a pas ses petites raideurs ? Enfin, vous arrivez à vous stabiliser au-dessus de la surface afin de procéder à un forage, et il vous faut atterrir. Comme vous l’avez deviné, ce ne sera pas chose aisée : une poussée de 20 % au lieu de 10 % et vous embrassez les textures – qui font leur effet de loin mais tournent à la bouillie de près. La lenteur est votre seule alliée : vous tâtonnez en suant au-dessus de trois cailloux pour trouver la bonne distance et lancer votre ancre, et vous finissez par y parvenir après quelques minutes d’alertes « attention à votre vitesse » ou « vous êtes trop loin pour lancer l’ancre ».

Une fois le forage effectué ( par l’entremise d’un mini jeu qui suit le mini jeu vous ayant permis de réparer la foreuse ), il est temps de repartir vers de nouvelles aventures géologico-spatiales ! Vous décrochez l’ancre… et le vaisseau se retrouve propulsé en l’air à tournoyer comme si vous aviez lâché d’un coup le frein à main de votre Twingo avec le pied au plancher et le volant braqué à fond, ce que personne de sensé ne fait, surtout dans l’espace. Nouveau crash, mais au décollage cette-fois ci.

Un petit crash de plus pour l'homme

Les coutures du bel ouvrage qu’est votre patience légendaire commencent à céder.  Pour naviguer, Earth Analog applique à la lettre le principe d’inertie théorisé par Newton, à savoir qu’un corps bénéficie d’une accélération potentiellement infinie s’il se déplace dans le vide. C’est simple, il n’existe pas de plafond d’accélération dans le jeu, et l’oublier c’est se heurter à la dure réalité de dépasser son objectif et n’espérer rétablir son cap qu’après avoir coupé tous les moteurs et martelé la touche des rétrofusées pour faire diminuer la vitesse de l’énorme boule de bowling lancée vers l’inconnu qu’est devenu votre aéronef.

Ajoutez à cela la nécessité de suivre des objectifs comme se rapprocher d’une balise qui émet un signal faible, et l’absence totale de réactivité et de précision du maniement du vaisseau peut tourner au supplice : on pense tenir un cap, le signal est de plus en plus fort (il passe de 5,232% à 6,508%) et d’un coup sa qualité s’effondre en flèche, alors que vous essayez désespérément de le capter de nouveau en faisant des ronds dans l’espace, comme un vulgaire citadin qui cherche à capter la 4G dans sa maison de vacances.

Ce signal, vous ne parvenez pas à le capter… Une alerte retentit à cause du manque de carburant (contre lequel personne ne vous met jamais en garde) et vous êtes seul dans l’espace, avec une flemme cosmique de relancer le précédent checkpoint, à accepter votre sort de pionnier-martyre, envoyé dans la mission de sa vie par des ingénieurs qui n’ont pas fourni le manuel de pilotage.

Et devant votre ordinateur, tout le monde vous entend pleurer.

Houston, on a un leger souci

Et puis, attiré par les promesses fascinantes du titre, vous revenez. Vous vous dotez enfin de tout le calme nécessaire pour comprendre ce que le jeu attend de vous. Il ne s’agit pas de traverser l’espace de planète en planète mais de « percer les secrets de chacune d’entre elles ». Vous suivez le signal famélique en prêtant une attention épuisante à votre cap et à votre vitesse, et vous parvenez à atterrir à côté de la maudite balise. L’aterrissage réussi, une alerte surgit, et vous voilà englouti sous des vagues de plusieurs centaines de mètres. Dans ce premier monde, il va s’agir de trouver les balises laissées par votre prédécesseur sur des îles dont vous devez reconnaître la forme vue du ciel, en prenant garde aux flots immenses et fascinants qui submergent les continents toutes les deux minutes. D’indice en indice, vous vous rendez à l’évidence, cette planète est inhabitable, et la perspective de mourir noyé toutes les deux minutes guère envisageable pour l’espèce humaine. C’est alors qu’un autre signal survient, près d’une planète désertique. Vous vous arrachez à l’atmosphère de la planète océan et procédez au saut vers le prochain système à explorer en quête de traces…

Ce que Funcraft Games a réussi avec la surprise de la planète océan, est de nouveau au rendez-vous avec une planète de glace éventrée dans laquelle on peut se glisser, ou un champ d’astéroïdes cubiques à traverser. Passé le véritable plaisir et l’émerveillement d’apercevoir les nouveaux environnements, les objectifs fumeux font leur retour, toujours moins adaptés au vol de précision. Les écrans abrupts synonymes de mort se multiplient – collisions avec un sol qui semblait pourtant plus éloigné, manque de carburant et maints autres dangers inattendus – et tout espoir de s’amuser dans ces espaces infinis s’envole.

 

Earth Analog ne développe qu’un vague prétexte narratif pour découvrir des planètes simulant des formes géométriques impressionnantes et des paysages fascinants. Il a un certain charme, celui du mystère, de l’inconnu sidéral, de la solitude du pilote et aurait pu n’être qu’un simulateur de visite de planètes tout à fait tranquille et à la programmation brillante. Hélas, l’ajout d’objectifs aussi artificiels qu’incompréhensibles le dessert très vite, son système de récolte de ressources est immensément fastidieux et son gameplay se révèle d’une inertie de géante gazeuse. Ne reste que le mal de l’espace.

Terra Memoria

Quand le J-RPG s’invite dans nos mémoires.

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