Critique

Ghost of Tsushima : Director's Cut

Howler
Publié le 9 septembre 2021

Développeur

Sucker Punch Productions

Éditeur

Sony

Date de Sortie

20 août 2021

Prix de lancement

79,99€

Testé sur

PS4 PRO

Souvenez vous, l’année dernière est sorti Ghost of Tsushima sur la fin de vie de la PS4. Bien décidée à montrer ce qu’elle a encore dans le ventre, la grosse équipe de Sucker Punch Productions a décidé de laisser de côté les déboires de super-anti-héros et de faire un jeu de samurai. Ghost of Tsushima est très inspiré des films d’Akira Kurosawa et arrive à se placer dans un respect culturel tel, qu’il a valu le titre d’ambassadeurs touristiques de Tsushima à Nate Fox et Jason Connell, respectivement le réalisateur et le directeur artistique du jeu. Si tout ceci vous intrigue, je ne peux que vous rediriger vers la critique de mon éminant collègue Vasquaal pour tout savoir sur ce jeu d’aventure-action se passant pendant l’invasion des Mongoles au Japon.

Sakai ici, non ?

Mais ici, ce qui nous intéresse, c’est la version Director’s Cut, nouvelle manière pour Sony de vendre un jeu sur deux générations. Bien que la version originale est rétrocompatible sur PS5, cette version Director’s Cut est là pour ajouter du contenu en plus. Au programme, un support du sacro-saint 4K/60 FPS, une utilisation des retours haptiques de la manette dual sense, quelques ajouts d’accessibilité, un meilleur système de « lock » et une nouvelle zone avec une histoire dédiée. Cette version est aussi dispo sur PS4, mais celle-ci ne comprend (évidemment) pas le boost de performance et l’utilisation de la manette dual sense.

Avant de parler du contenu, on va évidemment s’attarder sur le système économique. Il existe trois cas de figure pour lesquels vous pourrez vous procurer cette édition :
1 – Vous avez déjà le jeu sur PS4 et souhaitez le faire évoluer en Director’s Cut ? C’est 19,99€ si vous restez sur PS4, 29,99€ si vous passez sur PS5 (seulement possible via le PS Store).
2 – Vous n’avez jamais eu le jeu et souhaitez vous procurer cette version ? C’est 69,99€ sur PS4 et 79,99€ sur PS5 (prix en magasin spécialisé et store numérique).
3 – Vous souhaitez avoir l’upgrade sur PS4 et profiter d’une version PS5 plus tard ? La transition Director’s cut d’une version PS4 vers la PS5 vous coutera 9,99€.
Tout ceci est très cher, trop pour un upgrade graphique et l’ajout d’un contenu qui aurait valu quelques piécettes la majorité du temps (voir rien du tout quand on regarde chez certains voisins plus sympas).

non-Generous Jin

Pour autant, cela vaut-il le coup de sortir le portefeuille ? Si vous souhaitez un peu de rab dans les geta de Jin, dites-vous que ce contenu rajoute quelques heures de plus et est plutôt avare en nouvelles techniques, objets, ennemis et autres joyeusetés. Cette grande quête secondaire de quatre heures pourra se faire à partir de l’acte 2 et se passera en parallèle de l’histoire principale. Si vous souhaitiez une suite des évènements pour Jin Sakai, cette extension se contente simplement d’épaissir le personnage sur son passé et son caractère, tout en essayant de proposer une nouvelle manière de combattre, notamment avec l’utilisation des Chamans mongoles qui doivent être éliminés en premier lors d’un combat. Le jeu reste tel quel, avec le message qu’il délivrait au départ. On est donc en droit de se poser des questions sur les raisons qui poussent Sony à utiliser « Director’s Cut » pour sous-titrer ses itérations next gen de titres first party. Il était plus courant de le faire il y a 20 ans, comme ce fut le cas pour Resident Evil sur PS1, mais de nos jours, avec les mises à jour et les DLC, l’intérêt semble dépassé.

Déjà, et je pense que vous êtes nombreux à le savoir, Director’s Cut est quelque chose d’emprunté au cinéma. C’est une appellation inventée par l’industrie et repose sur l’environnement juridique du cinéma, expliquant qu’un film n’appartient pas au réalisateur mais aux producteurs (le capitalisme est une erreur : épisode n°45987513). Ils ont le dernier mot sur le montage final pour la sortie en salle et peuvent modifier quelques scènes (voir tout le montage du film) qui n’allaient pas dans leur sens. C’est, par exemple, ce qui est arrivé au film Rollerball de John McTiernan, dont tout le message politique s’est fait casser en deux pour être jeté à la poubelle. Il arrive que, quand un film a eu de bons retours en salles obscures, les producteurs lâchent un peu de leste pour la sortie sur petit écran, permettant aux réalisateurs qui le souhaitent de faire leur montage initial. Mon meilleur exemple en tête est, évidemment, BladeRunner de Ridley Scott, un film qui a eu le droit à sept versions différentes, dont certaines avec une happy end, d’autres édulcorées de toute violence et nudité pour correspondre aux standards de diffusions télévisées de l’époque. Il a fallut attendre 2007 (soit 25 ans après la sortie au cinéma) pour avoir une vraie version finale appelée « Final Cut », chapotée par Ridley Scott lui-même.

Je vais laisser de côté la problématique liée aux actions de Sony pour vendre des jeux vieux de plus d’un an à 80€ sous prétexte de rajouter des fausses exclus à cette nouvelle génération et plutôt rester sur le sujet ici présent : pourquoi sous-titrer ces jeux Director’s Cut ? D’autant plus que si on en croit Hideo Kojima sur Twitter, celui-ci n’a même pas pu monter lui-même les trailers de présentation, chose qu’il a fait tout du long de la production de Death Stranding et de ses anciens projets. Il n’est d’ailleurs pas à son coup d’essai dans la ré-édition de jeux avec des scènes coupées, comme en témoigne la licence Metal Gear Solid. Il signale même que tout ce qui sera rajouté dans le jeu a été créé après la sortie, ce n’est pas du contenu coupé au moment du développement. On est clairement sur de l’anti-director’s cut, ou « Director’s Plus » comme l’a appelé Hideo Kojima.

Du côté de chez Sucker Punch, on est un peu plus léger sur la question. Jason Connell (Directeur Artistique) et Patrick Downs (Scénariste Principal) parlent bien d’ajouts qui ont été faits après la sortie de Ghost of Tsushima, avec un retour des joueurs sur ce qu’ils ont aimé ou pas. L’île rajoutée reste un contenu « à côté », qui ne change rien de plus à l’histoire et sa compréhension. La version Director’s Cut repose aussi sur l’intégration des synchronisations labiales japonaises, une technologie apparemment coincée sur PS5 sur le moment (dont la non-présence sur le jeu de base me dépasse un peu) et sur le support amélioré de la PS5 et de ses features. Ça ressemble à s’y méprendre à une mise à jour plus qu’une refonte du montage général. Utiliser Director’s Cut pour qualifier des jeux ressortis au prix fort avec quelques bagatelles en plus, c’est prendre son public pour des ignares. C’est d’autant plus grave quand on voit Microsoft en face qui se régale et rend tous ses jeux rétrocompatibles, améliorés sur Series X|S gratuitement et mettre tout ça sur le GamePass.

Et entendons-nous bien, il n’est pas question de guerre des consoles ici, mais de respect. Sony est même allé jusqu’à prévoir la sortie de ces versions et a modifié les rabais liés au soldes sur Death Stranding dans le PS Store. Un prix qui tombait aux alentours de 30€ l’année dernière en promotion s’est vu rester au prix fort entre Janvier et Juillet 2021, suivi d’un rabais définitif à 50€, afin d’éviter que des petits malins patientent et se procurent la version Director’s Cut pour 30€ maximum en comptant les soldes et l’upgrade.

Ghost of Tsushima : Director’s Cut pose beaucoup trop de problèmes dans son modèle économique et son sous-titrage qu’il est difficile de conseiller l’upgrade tant ça validerait une pratique peu recommandable de la part de Sony. C’est dommage car l’île d’Iki ajoute une nouvelle zone de jeu agréable et quelques mécaniques bienvenues qui raviront les fans comme les amateurs d’épéistes nippons.

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