Critique

Vampire The Masquerade: Swansong

CactusSinger
Publié le 28 juin 2022

Développeur

Big Bad Wolf

Éditeur

Nacon

Date de Sortie

19 mai 2022

Prix de lancement

49,99€

Testé sur

PC

Dix-huit ans ont passé depuis la sortie de Vampire The Masquerade: Bloodlines, l’un des meilleurs jeu jamais créé (si si c’est objectif, les bugs sont une illusion), et l’on attend toujours une suite digne de ce nom. Heureusement, après deux décennies d’un complet néant vidéoludique, le rachat de White Wolf Studio par Paradox a relancé la licence, et plusieurs jeux dans l’univers du World of Darkness ont vu le jour. Si on attend toujours des nouvelles de Bloodlines 2, mais ne parlons pas de choses qui fâchent, c’est surtout des jeux narratifs sous diverses formes qui ont atteint le marché, tel les Visual Novels Coteries Of New York et sa suite Shadow of New York, ou encore les Choice of Games tel Night Road. En attendant un vrai nouveau RPG, les Français de Big Bad Wolf, le Studio derrière le sympathique The Council, s’essaye à la licence et nous propose avec ce Vampire The Masquerade: Swansong un hybride entre jeu narratif et éléments RPG.

Second birth

Dans The Council, son premier jeu, Big Bad Wolf s’était essayé à une nouvelle formule de jeu d’aventure narratif, en y incorporant des éléments de RPG. Comprenez par là la possibilité de choisir ses forces via l’investissement de points d’expérience dans différentes habilités, qui vous ouvriront différents dialogues et différentes possibilités dans la résolution de situations. Un jeu plutôt intéressant malgré quelques défauts et un dernier tiers moins maitrisé. Il en restait néanmoins une formule plutôt prometteuse et de prime abord plutôt adaptée à une licence comme Vampire The Masquerade, où le cœur du jeu est principalement axé sur les intrigues politiques et les luttes de pouvoir plutôt que sur les systèmes de jeu ou les combats. C’est donc avec une attente non dissimulée que nous pouvons enfin mettre les mains sur ce Swansong.    

NOBODY EXPECTS THE SECOND INQUISITION

VtM: Swansong vous mettra aux commandes de 3 vampires au service du Prince de Boston, un titre désignant le ou la vampire à la tête du groupement politique dominant, la Camarilla, dont l’un des principes majeurs est de maintenir la Mascarade, c’est à dire l’obligation de cacher l’existence des vampires aux yeux des mortels et d’agir dans l’ombre. Un principe d’autant plus important de nos jours avec l’apparition récente de la second inquisition, un terme regroupant tous les groupes officiels ou officieux ayant découvert l’existence des créatures de la nuit et ayant décidé de mener une croisade contre elles pour les exterminer. Une menace extrêmement sérieuse du fait de leur nombre, mais aussi des technologies modernes leur conférant un avantage décisif. C’est d’ailleurs le point de départ de l’intrigue de Swansong. Un massacre a été commis par la seconde inquisition qui a fait irruption lors d’une soirée mondaine vampirique destinée à sceller une alliance entre 2 camps. C’est pour enquêter sur ce massacre que le Prince Hazel Iverson va faire appel à Galeb, un ancien vampire du clan Ventrue de plus de 300 ans, Emem, une Toreador ambitieuse, et Leysha, une Malkavian dotée d’un pouvoir de prémonition fort apprécié du Prince.

L’aventure Swansong se découpera donc en chapitres où vous incarnerez à tour de rôle l’un de ces 3 personnages principaux. Il sera parfois possible de choisir par quel personnage commencer lorsque l’action se déroule en parallèle, mais cela n’aura pas d’incidence directe sur la suite. Comme The Council avant lui, le jeu se présente donc comme un jeu d’aventure à la troisième personne (imaginez à la TellTale) où il vous faudra explorer votre environnement, trouver les points d’interaction et discuter avec tout le monde pour progresser. Première déception, le rythme du début de l’aventure est particulièrement lent, et il faut un bon moment pour enfin arriver dans le vif du sujet. Un défaut assez gênant dans ce genre de jeu où il est justement primordial de happer le joueur dans son histoire. C’est d’autant plus dommage qu’avec un tel univers, il a pourtant de quoi capter l’attention du joueur rapidement. C’était peut-être d’ailleurs une volonté des développeurs afin de permettre aux joueurs ne connaissant pas Vampire The Masquerade de se familiariser en douceur avec cet univers assez dense et riche en lore. Cependant, le joueur néophyte est tout de même vite assailli par beaucoup de nouveaux mots et de lore qu’il est probablement difficile d’assimiler en une fois. D’autant que si le jeu fait un effort de fournir un lexique et un codex donnant des information sur les différents termes, clans ou même personnages, il le fait assez maladroitement en donnant accès à beaucoup, beaucoup trop d’informations d’un coup au joueur, là où il aurait été plus bénéfique de diluer tout ça. Heureusement, une fois l’intrigue principale définie, un net regain d’intérêt opère et nous voilà donc parti pour investiguer les évènements de cette sanglante soirée.

Volonté et Disciplines

Comme expliqué plus tôt, Swansong propose également des éléments RPG à son gameplay d’aventure. Chaque personnage aura sa propre fiche de compétences qui vous donnera des options supplémentaires lors des dialogues ou de l’exploration. L’utilisation, et surtout la réussite, de ces compétences dépendra de son niveau face à celui de l’adversaire. Par exemple, en cas de tentative de persuasion, si votre niveau est supérieur à celui de votre interlocuteur, le test réussi. En cas d’égalité, un jet de dés sera alors effectué pour savoir si le test est réussi, avec un pourcentage de réussite dépendant directement de votre score dans l’attribut associé à cette compétence (dans cet exemple l’attribut « social »). A noter que vous pouvez également décider de faire usage de vos points de volonté pour temporairement augmenter votre score de compétence. Mais attention, car vos adversaires seront également capables de faire de même. En plus de ce système de compétences déjà présent dans The Council, Swansong introduit ici l’utilisation de disciplines (le nom donné aux pouvoir vampiriques dans VtM). Ici chaque clan a ses spécialités et a accès à 3 classes de disciplines (pensez ici arbres de compétences). Libre à vous de choisir sur lesquelles vous concentrer parmi des disciplines de l’esprit permettant de faire plier vos adversaires à votre volonté (Dominate ou Présence), des pouvoirs décuplant votre acuité sensorielle ou vous permettant d’avoir accès à des visions ou prémonitions (Auspex), ou encore des habilités physiques vous permettant de vous rendre invisible (Obfuscate), plus résistant (Fortitude), ou plus rapide (Célérité). Un panel de pouvoirs vous permettant donc de customiser votre progression dans l’aventure. Du moins en théorie, car dans les faits, l’utilisation des pouvoirs apparait principalement scriptée, limitée à certaines situations bien précises. Il arrive même que le jeu vous offre gracieusement un objet vous donnant temporairement accès à un pouvoir spécifique le temps d’un chapitre car il est nécessaire pour le bon déroulé du scénario. On aurait plutôt préféré ici avoir plus de choix de résolutions alternatives.

Les points d’expérience gagnés au cours d’un chapitre (selon notre exploration, découvertes et réussites lors des interactions) sont à distribuer au début du chapitre suivant, là où l’on aurait préféré pouvoir le faire dès la fin, car avec 3 personnages différents on ne sait plus forcément ce qu’on avait en tête comme priorité lors de la montée de niveau d’un personnage. Le joueur est de toute façon poussé dans une direction lors de l’utilisation des points d’expérience via un système de « traits » obtenu selon ses actions. Ceux-ci vont vous donner une réduction sur le nombre de points d’expérience nécessaires pour augmenter un skill, une habilité ou une discipline. Si ça parait être une bonne idée au départ, vu le prix en expérience assez élevé à payer, on finit souvent par choisir les compétences à prix réduit que de suivre son intention première. Ce qui va un peu à l’encontre d’une idée de role play où l’on voudrait façonner nos personnages selon nos envies.

gameplay caché

Mais l’un des plus gros défauts de Swansong reste son manque de clarté globale. Comme on a pu le voir, le titre incorpore pas mal de concepts et mécaniques de gameplay différents qui peuvent s’avérer parfois, souvent, confus. Si en théorie, tout cela pourrait servir une plus grande liberté de résolution des situations présentées, en réalité on se retrouve souvent complétement perdu sur la marche à suivre. La faute principalement à un game et level design assez brouillons. Il n’est pas rare de ne pas se rendre compte des différentes possibilités offertes à nous (même si celles-ci restent peu nombreuses) simplement car il est déjà compliqué d’en trouver une. On tourne souvent en rond dans des niveaux qui peuvent être, de plus, assez grand, avec un personnage se déplaçant trop lentement même en courant, quand le jeu n’impose pas carrément de marcher sans aucune raison valable. Une frustration amplifiée par un vrai problème de détection des éléments interactifs du décor. Le prompt pour interagir avec un objet ne s’affiche en effet que lorsqu’on est vraiment proche de lui et on peut facilement se retrouver coincé car on est passé 4 fois devant un objet important sans avoir vu qu’il était là. Ça devient encore plus problématique dans des endroits sombres ou ceux où la physique n’a plus vraiment de logique (coucou la prison mentale Tremere…). On finit donc malheureusement souvent par faire des choix par défaut en prenant la première résolution possible trouvée, d’autant qu’on reste également hésitant à faire utilisation de ses disciplines vu leur coup assez élevé en jauge de faim. Même s’il est possible de se nourrir pour la faire descendre, on préférera garder au maximum sa jauge intacte en cas de fin de chapitre tendue, surtout après s’être fait avoir une première fois…

On retrouve également ici le système de confrontation déjà présent dans The Council. Sorte de joute verbale où Il faut réussir à convaincre son interlocuteur en faisant les bons choix de dialogues et en utilisant les bonnes disciplines et compétences. Il faudra alors faire preuve d’une bonne compréhension de la psychologie de son interlocuteur pour espérer l’emporter, même si le tout semble parfois un peu arbitraire. Un choix faisant appel à une capacité spéciale ne sera pas forcément associé à une bonne réponse, mais à l’inverse, il arrive assez souvent que le seul bon choix soit lui dépendant d’une seule statistique ce qui compromettra fortement vos chances de succès selon votre choix de build. Cependant une confrontation ratée n’est pas signe de game over et le jeu s’adaptera en fonction pour façonner le cours de l’aventure.

Choix et conséquences jusqu'au bout de l'ennu... de la nuit

Au niveau des choix et conséquences, Swansong fait un bel effort pour nous offrir divers degrés de variations dans son l’histoire plutôt intéressante. Cela va de petites variations de dialogues ou de situations, jusqu’à différentes façons de débuter un niveau, voire un niveau optionnel. Il est également possible qu’un personnage disparaisse complètement selon certains choix. C’est donc d’autant plus frustrant qu’il soit si facile de passer à côté de cette richesse, même si les conséquences sur la fin sont au final assez minimes. De plus on sera assez réticent à lancer une nouvelle partie après son premier run fini, la faute principalement à un gameplay trop lent et de fait un jeu trop long, pas aidé non plus par l’ajout de beaucoup de puzzles qui n’étaient franchement pas nécessaires pour ce type de proposition. Comptez bien une vingtaine d’heures pour en voir le bout.
On finira par dire cependant que l’ambiance du monde des ténèbres reste très bien représentée dans ce Swansong, avec une galerie de personnages plutôt intéressants et une bonne utilisation des intrigues politiques qui peuvent avoir lieu au sein de la court de la Camarilla. Le tout est de plus porté par, une fois n’est pas coutume, une excellente bande son signée Olivier Deriviere. On regrette quand même la disparition de certains personnages qui ne seront plus mentionnés au cours de l’aventure.

Big Bad Wolf tient définitivement une formule prometteuse entre ses mains, et la combinaison de jeu d’aventure et d’éléments RPG colle parfaitement à une licence comme Vampire la Masquerade. Swansong montre beaucoup de bonnes idées et de bonnes intentions, mais qui, sous- ou mal exploitées, sonnent malheureusement plus comme des promesses de ce qui pourrait être réalisé. En l’instance, le jeu souffre trop de soucis de rythme en proposant un jeu trop long et lent pour son propre bien. Il souffre aussi de la sous-utilisation de ses nombreux mécanismes de gameplay bien souvent trop situationnels, et surtout de clarté dans l’exposition des diverses possibilités données au joueur. En ayant ça en tête, VtM: Swansong reste une belle représentation du monde des ténèbres, et montre quelques belles qualités avec en tête une histoire et des personnages intéressants. Si on reste donc sur sa faim, on peut qu’espérer que ce genre d’initiative sera réitérée pour, pourquoi pas, obtenir une suite plus maitrisée dans un futur proche. Toujours, donc, en espérant que l’arlésienne Bloodlines 2 puisse un jour arriver et raviver la flamme d’un jeu culte si attendu, et que le titre de Big Bad Wolf ne sonne pas comme un chant du cygne pour la licence.

Pixel Noir
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Du JRPG, du Polar, et des bugs

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