Les années passent, l’espoir perdure. Comme évoqué dans la preview de juin 2021 – nous sommes déjà si vieux – les jeux Blood Bowl disposent déjà du gamedesign solide d’un jeu de plateau historique et d’un univers tout cuit et très populaire. Alors comment se fait-il que l’expérience utilisateur de 2023 soit toujours aussi digne de celle de 2009, date de sortie du premier Blood Bowl en jeu vidéo?

L’approche peut sembler aussi subtile qu’un câlin d’orque noir, c’est en tout cas celle d’un joueur qui doit se rendre à l’évidence depuis 14 ans que la licence existe sur les écrans : Blood Bowl en jeu vidéo, c’est pour les gens qui aiment déjà Blood Bowl, qui connaissent déjà les règles sur le bout des griffes, et qui sont juste très tolérants sur tous les aspects des trois épisodes du jeu, parce que ça leur permet juste de jouer à leur truc de dégénéré.e.s à peu près n’importe quand et sans installer tout leur bazar sur la table du salon.

Donnez Blood Bowl 3 à un.e novice et il/elle aura assez vite envie de vous tacler avec les deux pieds en avant. Il serait difficile de lui donner tort. Vous lui vanterez les mérites de la joute collective à grands coups de genoux, de la beauté d’une passe de trente yards, du stress de jouer la victoire sur un lancer de dés. Il/elle vous renverra l’interface peu lisible, le système de compétition incompréhensible et incroyablement plat, l’intelligence artificielle qui casse aussi vite qu’une figurine en plastique pourri et l’accueil indigne qui lui sera fait lors des premières heures de jeu. Et encore, passons sur les multiples bugs au lancement et le nombre très costaud de mises à jour qui ont tenté de calmer les esprits – quand elles n’empêchaient pas carrément d’accéder au jeu.

Certes, les armures sont plutôt jolies, il y a de nouvelles équipes, de nouvelles règles qui dynamisent le jeu – mais elles ne font que suivre les évolutions du jeu de plateau – et de chouettes cinématiques assez drôles pour renforcer le folklore « sport et barbarie ». Oui les enjeux et la profondeur du système se révèlent en multijoueur… comme depuis la création du jeu de plateau il y a 35 ans en fait. Il n’y aurait pas eu moyen de rendre tout ça un peu plus propre? En trois jeux et plus de 15 ans de développement de la série? De prendre le temps de bâtir sur un unique jeu vidéo enrichi de mises à jours généreuses plutôt qu’empiler les épisodes sans vraiment donner l’impression d’y croire? Parce que c’est cela qui est donné à voir : des éditeurs – Focus puis Nacon – qui lancent des trailers très en avance, surfent mollement sur une superbe licence et ses fans dévoués, mais ne font aucun effort pour permettre aux équipes de polire une production accueillante et accessible avec un système de jeu pourtant tout fait.

Ajoutez à cela des micro-transactions comme dans le plus vilain des jeux gratos, et vous avez une belle cerise cynique sur un gâteau indigeste. Les vieux et les nouveaux joueurs méritent mieux. Leur porte-monnaie, leur attachement et leur curiosité aussi.

« Mais pourquoi tu relances un match alors? » 

Bah parce que je peux pas m’empêcher d’aimer Blood Bowl, laissez-moi tranquille avec mes dissonances cognitives.