Critique

Starfield

Nyam Hazz
Publié le 5 octobre 2023
Starfield

Développeur

Bethesda Game Studios

Éditeur

Bethesda Softworks

Date de Sortie

6 septembre 2023

Prix de lancement

69,99 € (PC) / 79,99 € (XBox)

Testé sur

PC

Après un premier concept datant de 2013, 8 ans de production par l’équipe derrière Skyrim, avec à sa tête l’incontournable producteur exécutif Todd Howard, et une longue attente de 5 ans suite à son annonce lors de l’E3 2018, Starfield est enfin disponible depuis le 6 septembre 2023. Et le moins que l’on puisse dire est que ces longues années ont eu le temps de faire monter la hype autour du titre de Bethesda (The Elder Scrolls, Fallout), qui propose là sa première nouvelle franchise depuis 25 ans. Il faut aussi préciser qu’il était annoncé par le studio comme le RPG AAA le plus ambitieux qu’il n’ait jamais produit, dépassant donc ses autres grands succès comme Fallout 4 ou Skyrim. Rajoutons à cela la promesse d’un univers SF en monde ouvert nous proposant d’explorer librement la galaxie avec plus de 1 000 planètes à visiter, et le succès était quasi-garanti. Et c’est effectivement le cas, malgré l’inévitable review bombing et autres critiques de haters regrettant que le titre ne soit disponible que sur PC et Xbox, y compris sur le Game Pass en day one, ou encore sur Steam Deck, mais pas sur Playstation. Voilà donc, pour Bethesda, de quoi redresser la barre après le raté de Fallout 76, et pour Microsoft de quoi proposer enfin une exclu Xbox suscitant de l’intérêt et promouvant l’abonnement au Game Pass. Toutefois, si la presse et les critiques n’ont de cesse d’encenser le jeu, l’avis des joueurs est plus partagé, même si ceux-ci ne le délaissent pas pour autant. Essayons donc de voir les qualités de Starfield, mais aussi en quoi ce titre attendu peut décevoir.

Au cœur des constellations

L’histoire de Starfield prend place en 2330, alors que l’humanité a depuis longtemps quitté la Terre pour aller exploiter d’autres planètes, et que deux grandes guerres galactiques ont déchiré les nouveaux colons de l’espace. La paix a aujourd’hui été retrouvée dans les Systèmes Occupés, mais elle est encore fragile et les différentes factions évitent d’empiéter sur le terrain des autres. Et ce n’est pas toujours de toute tranquillité puisqu’il faut aussi compter sur des pirates sans foi ni loi. En attendant, vous entamez votre aventure comme nouvelle recrue dans une mégacorporation de minage. Mais vous n’allez pas rester longtemps mineur puisque après être tombé sur un artefact qui va vous faire vivre un gros trip, vous serez remarqué par Constellation, un groupe d’explorateurs recherchant justement des artefacts rares, et avec qui vous vous lierez pour percer ensemble les secrets de l’univers dans une aventure où la science côtoie le sacré. Vous voilà donc lancé à la poursuite d’une réponse au plus grand mystère de l’humanité.

Côté scénario, même si les conséquences des choix opérés auraient pu être poussées plus loin, et que le final peut prêter à discussion, nous sommes ici face à quelque chose de plutôt soigné, surtout de la part de Bethesda. Les personnages sont travaillés et savent faire preuve d’humour, tout en évitant de tomber dans le piège de la caricature. Ils ont simplement tendance parfois à se répéter un peu trop. Précisons ici que de très nombreuses lignes de dialogues ont dû être enregistrées dans plusieurs langues et que, pour le coup, la version française est de très bonne facture. En revanche, la synchronisation labiale dans notre belle langue est tout simplement désastreuse. On a l’impression d’être face à ce que connaissait le jeu vidéo à ses débuts ou, à la limite, face un titre à petit budget doublé à l’arrache, navrant. Pour rester sur le plan auditif, on saluera les musiques grandioses d’Inon Zur, ainsi que toute l’ambiance sonore du soft, très bien rendue et adaptée à chaque lieu visité.

Et vous allez pouvoir traverser bien des villes animées et autres lieux variés. Au cours de votre périple vous pourrez aussi choisir de vous rallier à certaines factions, vous ouvrant ainsi la voie vers des quêtes dédiées, ou au contraire vous brouiller avec. Si vous pouvez boucler l’histoire principale en une trentaine d’heures en ligne droite, voire moins en zappant les dialogues et en vous privant donc de découvrir plus en profondeur le lore, l’aventure ne s’arrête en effet pas là, bien au contraire. Outre les quêtes principales et celles des différentes factions, il y a également de nombreuses quêtes annexes et autres activités. Et Starfield pousse à l’exploration et à la personnalisation. Vous commencerez en effet par créer votre avatar (que vous pourrez ensuite modifier) dans le moindre détail, même si on le voit finalement très peu puisqu’il porte souvent une combinaison spatiale avec un casque. Vous pourrez aussi par la suite créer et personnaliser vos propres vaisseaux, vos avant-postes et même faire un peu de housing une fois en possession d’un appartement. Ce ne sont pas les activités qui manquent et vous dépasserez bien vite les 150 heures de jeu. Et si vous en voulez encore, vous avez aussi le New Game + qui vous attend, avec sa petite particularité, et à n’en pas douter les nombreux mods créés par la communauté.

Souvent comparé à Skyrim ou Oblivion, Starfield est en effet bel et bien dans la veine des RPG classiques en monde ouvert. Au-delà de la création détaillée du physique du personnage, qui reste implacablement muet pour plus d’immersion, vous devez ensuite choisir ses antécédents parmi 20 options qui font ici office de classe (agriculteur, enseignant, soldat, explorateur, gangster, diplomate…) et permet d’obtenir 3 compétences de départ (pilotage, balistique, persuasion, furtivité, vol…), les autres étant ensuite à déverrouiller à travers cinq arbres (physique, social, combat, science, tech), l’amélioration des compétences nécessitant de l’XP mais aussi de compléter un défi de plus en plus difficile et en lien avec la compétence, afin de rendre les joueurs acteurs de leur évolution. Enfin, vous devez choisir 3 traits optionnels de caractère (parmi 17) qui procurent un bonus de départ, mais au prix d’un désavantage, comme des PV accrus dans l’espace mais réduits au sol, ou l’inverse. À vous donc d’imaginer votre façon de jouer, sachant que, si vous le souhaitez, vous pouvez même parvenir à éviter la plupart des conflits grâce à la persuasion, ou à la fuite.

Je fais ce que je veux, avec mon beau jeu

Jeu de rôle oblige, vous êtes libre d’aller où vous voulez et de faire ce que vous voulez, avec un côté bac à sable où vous pouvez vous perdre pendant de très longues heures supplémentaires. Le soft est d’ailleurs plutôt avare en informations et préfère vous laisser tester et expérimenter par vous-même plutôt que de vous expliquer comment il fonctionne. De nombreux types de distractions vous sont offerts : combat, escorte, commerce, transport, infiltration, exploration, chasse à l’homme, sauvetage, vol, piraterie, contrebande, romance… sans parler du craft des kits de soin ou pour améliorer son équipement et ses armes, ainsi que du housing, de la construction de vaisseaux ou encore la création d’avant-postes pour récolter les ressources nécessaires à tout cela. S’ils participent à l’immersion, ces derniers ne s’avèrent toutefois pas indispensables ni particulièrement intéressants au-delà de leur création. Vous croiserez en effet de très nombreuses ressources (minerais, armes, équipement, bibelots…) et pourrez ramasser quasiment tout. Il va d’ailleurs falloir apprendre à vous freiner.

Comme dans beaucoup de RPG, la gestion de l’inventaire est un point qui pose rapidement problème dans Starfield, car votre sac sera bien vite plein. Afin d’éviter d’être ralenti et de s’essouffler trop vite, il va falloir faire des choix, ou trouver des stratagèmes. Une des solutions est d’utiliser la soute de votre vaisseau, directement liée à votre personnage, ce qui est bien pratique. Vous allez également recruter divers compagnons au cours de votre périple, compagnons que vous affecterez à votre vaisseau ou dans vos avant-postes et qui pourront vous servir de mules. Il faudra par contre les rejoindre pour échanger avec eux les objets convoités. L’un d’entre eux pourra toutefois vous accompagner en mission et donc être toujours disponible à vos côtés, tout en vous épaulant lors des affrontements. Jouable à la première comme à la troisième personne, le jeu dispose de phases de combat encore une fois classiques, mais, sans égaler les cadors du genre, plutôt efficaces, malgré l’IA assez rudimentaire des forces adverses. Le jet pack offre cependant une petite touche d’originalité en apportant de la verticalité. Très nombreuses, les armes sont toutes bien détaillées et améliorables par des mods visibles même une fois l’arme en main.

Pour ce qui est des combats spatiaux, ils consistent essentiellement à gérer la répartition de la puissance entre les différents systèmes (3 armes ayant chacune leur spécialité, moteur, bouclier et astromoteur). Il faut donc jongler entre ceux-ci en fonction de l’objectif visé (combat, exploration, infiltration, fuite). Une fois le coup de main pris, cela devient tout naturel. Mais la grosse critique faite au jeu réside dans le choix fait concernant les voyages spatiaux. Grâce à différentes vues (planétaire, système et galaxie), on choisit où l’on veut aller et on accède alors au voyage rapide. Ceux qui espéraient un titre à la No Man’s Sky ou Elite Dangerous ont donc été quelque peu échaudés en se retrouvant plutôt face à un Mass Effect. Le jeu de Bethesda repose toutefois surtout sur la narration et les quêtes, donc passer du temps à voyager n’est pas dans ses objectifs. Cela reste possible, mais c’est vraiment très très très long et sans aucun intérêt. De la même manière, les déplacements rapides à travers les lieux déjà découverts sont les bienvenus pour éviter de tout se retaper à pied, même si c’est là l’occasion de découvrir peut-être quelque chose que l’on avait raté, ou de croiser un PNJ intéressant et récolter une nouvelle quête. Précisons que Starfield récompense la curiosité.

Nous pouvons citer par exemple un vaisseau que l’on a pu récupérer comme ça, gratuitement, simplement en allant visiter une planète juste pour voir à quoi elle ressemblait. En se promenant un peu, nous sommes tombés sur celui-ci, ouvert et sans personne, et nous avons pu entrer dedans et décoller avec, l’ajoutant ainsi à notre flotte. Il est difficile d’explorer toutes les planètes et, celles-ci se ressemblant parfois grandement avec une modélisation succincte, ce n’est pas forcément toujours motivant, mais, en même temps, on ne sait pas sur quoi on peut tomber donc c’est tentant d’aller voir. Au-delà du loot, différents clins d’œil vous attendent (Skyrim, Halo…). Quant aux missions qui vous sont confiées, nombre d’entre elles sont intéressantes et enrichissent le lore, mais bien d’autres souffrent aussi du syndrome Fedex.  Quant à votre liberté d’action, elle est tout de même limitée. Vous pouvez par exemple abattre à votre guise d’innocentes victimes dans la rue si le cœur vous en dit, à condition d’accepter d’être ensuite pourchassé et peut-être emprisonné, mais vider vos chargeurs sur les personnages clés n’aura aucun effet sur eux. Vous ne pourrez également flirter qu’avec certains personnages bien identifiés.

Au-delà de l’au-delà

Comme on pouvait s’y attendre, Starfield est bien évidemment très soigné visuellement. Il regorge de détails et envoie du lourd, que ce soient les villes, les intérieurs des différentes bâtisses visitées, les visages des protagonistes, les effets météorologiques et bien entendu l’espace intersidéral, avec gestion de l’éclairage en fonction de votre exposition à l’astre incandescent. Vous pouvez vous retrouver ainsi à brûler sous les rayons du soleil si vous vous en approchez trop, ou plongé dans le noir si vous êtes sur la face cachée d’une planète. De splendides panoramas s’offrent ainsi fréquemment à vous, et le mode photo vous permet non seulement de les immortaliser, mais aussi de les retrouver lors des changements de zone. Le prix à payer est en effet la présence de très fréquents écrans de chargement dont la toile ne se prive pas de se moquer. Un titre moderne qui nous ramène à une époque que l’on croyait révolue.

Il faut également relativiser les propos précédents en limitant ceux-là aux planètes principales et aux PNJ majeurs, car les autres peuvent être plus sommairement modélisés. Et s’il y a bien plus d’un millier de planètes à visiter, la plupart d’entre elles sont relativement vides et beaucoup se ressemblent fortement. Et leur visite se limite à une zone bien définie au-delà de laquelle on ne peut aller, sans pour autant qu’il y ait de barrière naturelle, mais juste un message nous demandant de rebrousser chemin. Clairement étonnant pour un titre qui prône l’exploration. Ceci dit, s’il n’y a rien à voir… De plus, afin de conserver un rendu de qualité, le 60fps a été abandonné sur Xbox Series X et il faut donc se contenter du 30fps. Sur PC, il n’y a pas ce souci, mais il faut une machine suffisamment puissante et si possible équipée d’une carte graphique AMD puisque seul le FSR2 est disponible actuellement pour le suréchantillonage. Du fait du partenariat conclu avec la marque californienne, le DLSS de NVIDIA ne devrait pas suivre tout de suite (mais un mod le propose déjà sur certaines cartes).

Enfin, contrairement à ce à quoi Bethesda a pu nous habituer lors du lancement d’un nouveau jeu, Starfield est relativement stable et bug free. Nous avons tout de même rencontré un ou deux crashs ainsi que quelques bugs et autres aberrations visuelles comme les PNJ qui apparaissent ou disparaissent sans explication, d’autres qui pleuvent du ciel pour prendre leur place et jouer leur rôle, les ennemis abattus qui se mettent à trembler telles des feuilles au vent après avoir chuté trop près d’une table qui les empêche de s’étaler convenablement au sol… Mais il n’y a rien de bien grave là-dedans, et le moteur graphique fait des merveilles, permettant pas mal de facéties, comme vous pouvez en retrouver dans de nombreuses vidéos sur internet.

Ce qui est sûr, c’est que l’on ne s’ennuie jamais dans Starfield et qu’il y a toujours quelque chose à faire. Il est difficile de tout citer, mais on peut encore rajouter la possibilité de crocheter des serrures via un mini jeu, ou le système de persuasion à travers 3 répliques où l’on doit engranger un certain nombre de points en convainquant notre interlocuteur. Mais la coexistence de plusieurs quêtes peut aussi entraîner des enchaînements étonnants et peu cohérents quand plusieurs d’entre elles se rencontrent, le titre passant de l’une à l’autre comme si de rien était. Ce que l’on peut donc reprocher au soft, c’est de vouloir tout faire en n’approfondissant finalement jamais rien. La plupart des propositions sont tout à fait acceptables, mais imparfaites, et donc critiquables, avec de surcroît un côté trop classique et parfois même désuet. Mais il offre une gigantesque aventure spatiale qui ne peut que séduire les fans de SF.

La promesse de Starfield d’offrir un univers immense et de porter le RPG à la Bethesda dans l’espace est clairement tenue. Globalement très beau, il est riche en contenu et la liberté offerte, sans être à la hauteur d’un Baldur’s Gate 3, est loin d’être négligeable. Il y a vraiment beaucoup de choses à faire et ce n’est certainement pas fini avec les nombreux mods qui vont fleurir. Le jeu reste très classique dans son genre, voire même daté dans sa structure, mais il s’en sort très bien avec de belles animations et de bonnes sensations. Le seul problème est qu’à vouloir toucher un peu à tout, il ne va pas aussi loin que l’on aurait pu l’espérer sur pas mal de points. Plutôt bon partout, il n’excelle finalement nulle part, si ce n’est à nous ouvrir la porte des étoiles avec un RPG spatial grandiose et ambitieux, ce qui est tout de même déjà beaucoup.

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