Sniper Ghost Warrior 3

Plus confidentielle que beaucoup d’autres blockbusters du genre, la série des Sniper Ghost Warrior a visiblement réussi à se garantir un public suffisant pour exister jusqu’à ce troisième épisode. Pour être tout à fait honnête, elle a souvent été comparée à un Call of Duty du fusil à lunette ne réussissant pas forcément à se démarquer outre raison de par une qualité singulière ou un style spécialement novateur. Au contraire, sa réputation n’a pas toujours été très positive. A cet égard, CI Games, son éditeur, semble vouloir mettre un pied dans la cour des grands en commençant à apporter un peu plus de soins à ses productions, et c’est tout le mal qu’on lui souhaite.



Brothers in arms

Le tutoriel ne perd pas son temps pour nous apprendre les grandes lignes de ce Sniper Ghost Warrior troisième du nom. L’utilisation de notre fusil à lunette, de ses munitions aux finalités diverses, le drone très en vogue dernièrement s’avérant utile pour marquer nos ennemis, et le mode Scout permettant à notre chasseur né de mettre en lumière traces de pas et autres informations cachées dans notre environnement. Passé cette courte introduction, on nous plonge immédiatement dans le cœur d’un scénario qui va essayer de nous attendrir avec son histoire de deux frères, que cette première mission va séparer. Sous la forme de flash-backs, on aura ainsi droit à un peu de développement de leur relation, mais au-delà de cette intrigue familiale et de son emmêlement avec un récit tournant autour de la fameuse légende urbaine du super soldat que tant d’armées rêveraient de créer, il n’y a en fin de compte pas grand chose.

Le principal de l’action prend place dans différentes zones en Géorgie – le pays, pas l’état américain – entièrement ouvertes mais séparées entre elle par un temps de chargement. Ce petit pays coincé entre la Turquie et la Russie devient donc le théâtre de nos exactions en tant que soldat super entraîné de l’oncle Sam à turbiner à coup de plomb des criminels mafieux et des mercenaires au service d’une organisation tellement secrète qu’elle a décidé de poser ses valises un peu partout sur ce territoire à grands coups de bottes militaires. J’avouerai ne pas m’être embêté plus que ça avec un scénario qui m’est carrément passé par dessus la tête. De par sa formule, sur bien des points, Sniper Ghost Warrior 3 ressemble à s’y méprendre à Far Cry. On y retrouve un peu les mêmes recettes épuisées avec de multiples points d’intérêts posés sur la carte à nous attendre. Ils sont là pourtant sans avoir besoin que l’on aille grimper dans des tours pour se « synchroniser » ou quoi que ce soit. Avec ce troisième volet, ses développeurs ont par conséquent essayé de s’éloigner d’une recette à base de linéarité et de niveaux. Pas sûr que cela lui serve en fin de compte.

On se retrouve aussi avec un nouveau système de jeu pour la série, qui va se reposer sur un monstre à trois têtes. Sans réellement chercher bien loin son inspiration, ce système reprend les trois mots de son titre. C’est alors qu’il sera en théorie possible de se la jouer Sniper, qu’il ne me semble pas vraiment nécessaire d’expliquer, d’être un Ghost (fantôme), qui est tout simplement la caution furtivité du jeu, et le Warrior (guerrier) dont la subtilité inexistante lui permettra de tout défourailler sans vergogne. En vérité, ces trois classes n’offrent qu’assez peu d’alternatives réelles, et ce n’est pas vraiment les trois arbres de talents rachitiques qui vont réellement changer la donne. Pourtant, il y avait de l’idée derrière tout ça. User de son fusil à lunette fera gagner de l’expérience pour celui du Sniper. En jouant furtivement, on gagne alors des points pour débloquer les compétences de l’arbre Ghost, et ainsi de suite. Seulement voilà, le plus simple reste encore de rester discret et méthodique dans notre approche. Il faut se dire que les ennemis ne nous laisseront aucun répit une fois repéré. Si leur intelligence n’est pas remarquable, la précision de leurs tirs est parfois fabuleusement exagérée. Les armes requérant un minimum de précision, foncer dans le tas ne m’est pas apparu comme la meilleure des approches. Au contraire, avec la possibilité de transporter les corps, de les cacher dans un casier par exemple, l’utilisation du drone pour repérer les lieux et les ennemis, tout semble indiquer que Sniper Ghost Warrior est vraiment fait pour l’infiltration plutôt que le bourrinage. Alors bien évidemment, il est toujours possible d’y aller franco, mais je ne pense pas que c’est ce que le jeu a de mieux à offrir.



Le syndrome du monde ouvert

La furtivité est donc notre meilleur amie. Il est simplement dommage que le jeu se retrouve handicapé par ce qui s’apparente à quelques erreurs de jugement dans son game design. Prenez par exemple certaines des missions principales les plus avancées. Forcément, à mesure que l’on progresse dans l’histoire, nos ennemis seront plus costauds et retors. Encore un héritage de l’inspiration de Far Cry sans doute, ou plus simplement une évolution normale dans un jeu de ce type. On retrouve dès lors dans ces missions des ennemis dotés d’une armure lourde auxquels il devient impossible de faire un headshot avec un fusil manquant de force de pénétration. Il devient alors nécessaire d’utiliser l’argent récolté lors de nos précédentes missions et à droite ou gauche en remplissant des objectifs secondaires (camps d’ennemis à nettoyer, opérations de sauvetage d’otages,…), pour s’acheter de nouvelles armes, des munitions explosives ou bien d’améliorer notre équipement actuel. De ce côté-là, SGW3 est généreux avec un armement assez riche à l’image du reste, rempli de bonus cachés à découvrir et débloquer. Il se construit tout autour d’une sorte de micro-économie, puisque tout sera à acheter, et par extension, il faudra savoir gérer son budget. Plutôt intelligemment, le sniper que vous pourrez devenir, se forgera par le choix que vous ferez dans vos achats. J’ai d’ailleurs beaucoup apprécié d’être maître des mes décisions sur mon équipement, même si certaines armes ne seront accessibles qu’en remplissant des objectifs secondaires. Bien évidemment, d’un autre côté, cela implique que nos choix en terme d’arme ne seront pas toujours adéquats pour telle ou telle mission. Il faudra soit farmer quelques objectifs secondaires pour de l’argent ou des ressources (pour crafter des munitions par exemple), ou s’adapter à la situation.

Ainsi, ces soldats lourdement armés et protégés par une large carapace renforcée pourront être abattu par la force bête et méchante, ou bien, l’utilisation d’un fusil équipé de munitions perforatrices. Bien évidemment, l’un comme l’autre feront un bruit énorme pouvant révéler à l’ennemi votre position. Tout n’est alors que question d’adaptabilité. Il est aussi très possible de décider de contourner de tels soldats. Il n’est d’ailleurs pas toujours nécessaire d’éliminer toutes les menaces présentes sur le terrain. Bien souvent, il faudra simplement se tracer un chemin jusqu’à l’objectif. C’est peut-être là que le Sniper Ghost Warrior 3 se montre sous son meilleur angle. Tout le côté monde ouvert avec son remplissage est beaucoup trop anecdotique et superficiel pour réellement donner envie de s’y plonger outre mesure. Cette critique est cependant la même pour tous les autres jeux du genre. Il n’est dans ce cas pas le seul fautif. Il s’agit ici d’une méthode bien connue et abusée régulièrement pour donner le sentiment qu’il y en a toujours plus pour notre argent. C’est dans ses missions principales qu’il se révèle alors être au mieux de sa forme. Sans pour autant faire preuve d’une originalité folle, elles ont au moins le mérite de mettre sur la table un plat de résistance plus conséquent. Du coup, tous les allers-retours que cela soit pour modifier notre équipement ou je ne sais quoi d’autre, toute cette distance parcourue à cause de ce monde ouvert, devient en fin de compte un poids plutôt qu’un apport au gameplay.

Bien évidemment, je serai toujours le premier à saluer la liberté d’un monde ouvert et son invitation à la ballade. A la seule différence que la marche à pied ou l’offroad en 4×4 n’est pas vraiment utile ici ou ne m’a tout simplement pas inspiré. Il faut comprendre que Sniper Ghost Warrior 3 ne réussit pas vraiment à donner vie à son monde qui reste passablement creux. Au moins, dans un Far Cry, si le gameplay était vaguement similaire sur bien des points, il arrivait à côté à construire un semblant de profondeur en donnant vie à une histoire et ses personnages, en créant ce liant qui le rendait crédible et immersif, toutes proportions gardées. Chez le sniper, le jeu d’acteur et la mise en scène rappelle plutôt une production de série B un peu fade. Il se prend beaucoup trop au sérieux en ayant pourtant une intrigue de super soldat qui aurait pu mériter un traitement un peu plus dingue ou approfondi. Entendons-nous bien, Far Cry est en fin de compte à peine meilleur d’un point de vue innovation. Certains défauts comme la redondance d’un gameplay soumis à une volonté d’occuper au mieux son espace ouvert font que l’action peut finir par se diluer par ce remplissage évident. En prenant son inspiration chez la concurrence sans réellement réussir à s’en démarquer, un premier souci ressort et c’est son manque d’originalité. SGW3 récupère du coup autant les défauts que les qualités de ses influences. Quelque part aussi, son plus gros pêché demeure dans son hésitation entre un aspect plus déconnant avec plus d’action, et un autre se voulant plus réaliste. Sans pour autant être du niveau d’un Arma de ce côté-là, sniper dans SGW3 est tout de même un peu plus poussé que dans un Call of Duty. Il faut par exemple savoir prendre en compte la distance de sa cible et la direction du vent. Heureusement pour le débutant, toutes les informations nécessaires à prendre en compte seront indiquées à l’écran. Bref, en étant ambivalent dans ses intentions, il ne parvient pas vraiment à s’imposer une réelle identité.


On sent qu’avec Sniper Ghost Warrior 3, ses développeurs aient voulu plaire au plus grand nombre en leur offrant l’opportunité de laisser de côté ce qui pourtant a toujours été au centre de la série, c’est-à-dire être dans la peau d’un sniper. Ce troisième volet ne renie par contre en rien son scénario d’action un brin nanar sur lequel on fera l’impasse pour se concentrer ailleurs. C’est bien dommage qu’il n’arrive pas à tirer plus de jus de son monde semi-ouvert qui au final n’apporte pas grand chose. On appréciera quand même que derrière il reste un fps décent pour peu que l’infiltration soit vraiment votre truc, surtout à distance. De ce côté-là, il lui reste quelques missions assez sympa, même si le manque d’originalité lui fera toujours défaut.

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