Si le nombre de participants à l’Independent Game Festival a atteint cette année des records, les étudiants de DigiPen savent se faire une place parmi la masse de jeux en proposant des concepts toujours plus inattendus, simples et efficaces. Si NOUS a su se démarquer par sa direction artistique et narrative, l’improbable Leshy, développé par les non moins improbables Radioactive Dodos, trouve son intérêt dans son gameplay et son level design.
La taille compte…
Lorsqu’on tente de décrire un jeu, il est toujours plus simple de lui coller un genre. Ce test n’échappera pas à cette règle : Leshy est un Ball-maze Game, un puzzle/plateformer 3D dans lequel le joueur contrôle une sphère. Si le premier jeu de Radioactive Dodos correspond à cette définition, il n’a rien à envier à Marble Blast et autre Ballance. Basé sur une mécanique de croissance/décroissance, Leshy s’apparente davantage à un Beautiful Katamari qu’à un Ball-maze lambda. Dans un environnement ouvert, le joueur déplace une sphère dont il peut changer la taille à tout instant, via la molette de sa souris. Les limites de cette variation d’échelle s’étendent à mesure que le joueur collecte des sphères bleues, semblables à l’avatar. Progressivement, l’extension de ces limites va nous permettre d’explorer des recoins de l’environnement invisibles au premier abord et ainsi se faufiler dans des trous de souris ou atteindre des plateformes aux proportions vertigineuses. Un gameplay somme toute très simple, mais extrêmement efficace, dont l’environnement ouvert déploie tout le potentiel.
Si le Game design de Leshy est remarquable, son Level design est tout simplement exceptionnel. Au delà du tutoriel entièrement diégétisé régulièrement ponctué d’un humour léger (orienté géométrie et illusion), l’unique niveau du jeu offre des possibilités d’exploration tout à fait inattendues au lancement. En effet, si l’environnement est structuré par étage, la sortie étant placée au sommet de l’édifice, chaque zone du jeu propose des parcours à différentes échelles masquant les plus petits espaces lorsque l’avatar atteint sa taille maximale, et les plus grands lorsqu’il atteint sa taille minimale. Comme une pièce secrète cachée derrière une bibliothèque, chaque élément de l’environnement masque des zones révélées par le changement d’échelle : les murs sont des plateformes à grande échelle ou dévoilent de minces fentes dans lesquelles la sphère peut se glisser à taille réduite, ce qui semblait n’être qu’une porte permet en réalité d’accéder à l’intérieur d’un bâtiment lorsque l’avatar à les proportions d’une mouche… On prend plaisir à explorer le niveau à différentes échelles et y trouver des coins et recoins dont on ne soupçonnait pas l’existence. Le système de checkpoints permet également d’alléger la frustration que pourrait entraîner une exploration si laborieuse. Finalement, on aimerait en avoir plus: plus de niveaux, plus grands et des limites d’échelle plus étendues…
Deux poids, deux mesures
La direction artistique et la conception ludique sont deux choses bien distinctes qui fonctionnent parfois sur un rapport inversement proportionnel. L’univers graphique a pourtant tout pour plaire : des formes abstraites et colorées, un avatar qui aurait sa place dans une partie de Blitzball sur Light Cycles, des projections lumineuses mouchetées émanant de la sphère… Mais les boxes blanches et autres formes primitives en aplats de couleurs, les textes volants en Arial et la palette de couleur sommaire donne à l’univers un aspect tiède et sans véritable identité. Si le minimalisme assumé offre à l’ensemble une lisibilité indiscutable, la cohérence globale n’est pas non plus très au point. L’avatar, et les collectibles, particulièrement travaillés jurent avec l’environnement lisse et aseptisé du jeu. Ces différences graphiques donnent l’impression de deux univers incapables de cohabiter. L’un semble conçu et réalisé par un artiste aux influences sci-fi, l’autre par un novice de la modélisation 3D…
Si la direction graphique fonctionne, malgré le manque de cohérence, la bande son est quant à elle digne d’un keygen. L’orientation très électro de la musique semble cohérente avec la dimension abstraite et épurée de l’univers, la rythmique soutenue et les samples techno ne sont pas du meilleur goût et, surtout, inappropriés à l’expérience exploratoire que propose Leshy. La dimension puzzle du jeu n’invite absolument pas à l’écoute d’une musique rythmique, frénétique. Encore une fois, le contraste, entre les choix de feedbacks sonores très doux, mélodiques, et l’énergie rythmique de la bande son, met à l’épreuve la cohérence globale. Au final, pour optimiser l’expérience de jeu, le mieux est encore de couper totalement le son et de lancer une musique de sa propre playlist.