Hack// Infection Part 1

L’univers de .Hack (prononcez « Dot Hack ») est un vaste projet transmedia initié par CyberConnect2 à partir de 2002. Si les derniers opus de la série ne sont pas parvenus jusque chez nous (le dernier né, .Hack//Versus, est un jeu de combat sorti en 2012 sur PS3, uniquement au Japon), les PS2 européennes ont tout de même accueilli les volets fondateurs de cette série essentiellement tournée vers le RPG. Retour sur le premier d’entre eux : .Hack//Infection Part 1.

.Hack//Transmedia

La volonté de décliner l’univers .Hack sur diverses plateformes transparaît dans le package même du premier jeu de la série (et des trois suivants, d’ailleurs) : la boîte du jeu incluait en effet un OAV de l’anime, histoire de bien alerter le joueur sur le caractère transmedia du projet. .Hack, c’est finalement 3 séries d’animes, 2 films d’animation, 4 séries manga, une dizaine de jeux vidéo, un jeu de carte à collectionner et même quelques romans et nouvelles. Notons que le scénariste principal est Kazunori Ito, célèbre pour ses œuvres mêlant réalité et virtuel (c’est lui que l’on trouve derrière Ghost in the Shell et Avalon).

Je ne parlerai ici que du premier jeu, n’ayant pas encore eu l’occasion de toucher au reste de ce vaste ensemble (aussi il est évident que cette petite fenêtre d’entrée sur l’univers .Hack n’est pas nécessairement généralisable à l’ensemble de l’œuvre).

Le jeu est Le Monde

Le principe de .Hack//Infection est très intéressant. Le jeu propose au joueur de jouer… un joueur, qui joue. Plus précisément, qui joue à un MMORPG particulièrement prisé : The World. Kite, le personnage principal (du moins est-ce le nom de son avatar dans The World, son vrai nom n’est pas connu), est invité à découvrir le jeu par l’intermédiaire de son ami Yasuhiko, qui avec son personnage level 50 fait office de PGM. Mais alors que nous nous trouvons en compagnie d’Orca (le personnage de Yasuhiko) dans The World, ce dernier devant nous aider à faire nos premiers pas, apparaît un personnage étrange, une jeune fille blanche qui ne semble pas être un personnage normal du jeu… Les choses s’enchaînent et un énorme monstre débarque et balaye Orca, en utilisant un pouvoir qui paraît absorber les données du personnage de Yasuhiko. Le lendemain, Kite apprend que (dans la vraie vie) son ami est tombé dans le coma. Il semble qu’il y ait un rapport avec les évènements survenus dans The World…

.Hack//Infection met donc en scène un joueur de MMORPG (que l’on joue en solo). L’interface du jeu se compose du bureau (sur le PC), à partir duquel on peut accéder à la boîte mail, aux news venant d’internet et, bien sûr, à The World. Il est intéressant de constater que ce bureau est la seule représentation du monde réel : contrairement à un Persona, et malgré l’importance de la situation du monde réel (le coma de Yasuhiko), il n’y a pas de phases purement sociales. On n’ira pas rendre visite à notre ami, on ne jouera pas quelques scènes de la vie quotidienne. Après tout, le titre du MMO est explicite : le monde, c’est lui. Si l’on échangera bien quelques mails faisant référence à la vie réelle, les destinataires seront nécessairement des joueurs rencontrés dans The World, et les mails relativement anecdotiques. .Hack inverse les repères : là où, en réalité, le jeu est une parenthèse dans la vraie vie, ici c’est la vie qui se trouve être une (toute petite) parenthèse dans l’activité ludique. Et elle semble même être à ce point au second plan que c’est dans le jeu, dans The World, qu’il faut chercher la cause et la solution au coma mystérieux de Yasuhiko. La mise en abîme et le parallèle avec l’addiction au jeu vidéo (en particulier les MMO) sont assez frappants. De la même façon, nous n’apprendrons rien sur la vraie vie de Kite (pas même son nom), alors même que rien ne nous échappera de sa vie ingame. Plus remarquable encore : lors de certains échanges par mail abordant la vie réelle, il nous est donné la possibilité de choisir entre plusieurs réponses (du type « j’aime les nouilles », « j’ai horreur des nouilles », « je ne réponds pas »). C’est l’unique moment où il nous est laissé la possibilité de choisir, non pas de dévoiler qui nous sommes, mais de dévoiler ce que nous souhaitons paraître. Alors que dans The World, nous ne pourrons en définitive que suivre la voie du héros, et déclamer les dialogues scriptés du jeu, le monde réel est un univers où le mensonge (certes ici anodin) est possible, où l’illusion peut primer sur les actes. Troublante inversion du réel et du virtuel…

Le jeu dans le jeu

The World est parfaitement conçu. Avant de pénétrer dans le jeu proprement dit, on peut accéder à son forum, dans lequel les joueurs discutent, échangent des informations, se réjouissent de la sortie d’un nouveau casque de réalité virtuelle révolutionnaire, s’interrogent sur les rumeurs de coma liés à des bugs informatiques… Le rendu est bluffant, on retrouve vraiment la sensation de parcourir un forum internet. Cela permet également de mettre en scène un tutorial crédible (quoique peu dynamique, puisqu’il consiste principalement à lire du texte avant même de commencer à jouer).

Le jeu lui-même est un Dungeon-RPG. Une ville centrale permet d’accéder aux différentes boutiques et de rencontrer d’autres joueurs, animés comme dans un vrai MMO : on les voit courir en tous sens, pressés, passant d’une échoppe à une autre. On peut bien évidemment procéder à des échanges avec eux, et c’est même le meilleur moyen de récupérer un bon équipement. A partir de la ville racine, un portail mène aux zones de jeu proprement dites. Un système combinatoire de mots-clés permet de déterminer la zone à atteindre, ces mots-clés pouvant être glanés sur le forum (pour avancer dans le scénario), voire dans les autres media touchés par la série (l’OAV par exemple), ou rentrés au hasard (pour leveler – il n’y a guère d’autre intérêt). La mécanique est alors invariablement la même tout au long du jeu : on récupère une combinaison de mots-clés, on accède à une vaste zone de jeu dans laquelle se trouve un donjon, on explore le donjon… et on recommence. Cela n’a rien de surprenant pour un Dungeon-RPG, le genre s’appuyant souvent sur la répétition de ce schéma. Il est toutefois intéressant de constater que l’on rejoint à nouveau le renversement de situation vie réelle/vie virtuelle : le jeu est a priori censé représenter une échappatoire à la répétitivité de la vie, tandis qu’ici le système adopté fait que le jeu est lui-même répétitivité…

Parlons tout de même un peu gameplay

Il est dangereux (mais possible) de parcourir les donjons seul. Au fil du jeu, Kite rencontre d’autres joueurs, qu’il devient alors possible d’appeler pour former un groupe (de trois joueurs maximum). Parfois, ces compagnons ne sont pas connectés et il faut en appeler d’autres. On ne dirige toujours que Kite, mais il est possible de donner des ordres à ses alliés. Le gameplay repose sur un système de compétences, qui sont liées à l’équipement. Attention donc lorsque l’on en change, puisque les compétences disponibles se trouvent alors également changées. Il faut aussi prendre en compte les effets élémentaires, qui fonctionnent par paire d’éléments opposés. Le tout est dynamique et laisse suffisamment de possibilités pour donner des combats relativement intéressants, même si la difficulté peu élevée ne forcera pas le joueur à élaborer des stratégies complexes… du moins si l’on excepte le boss de fin, complètement abusé par rapport au reste du jeu (ok, c’est le boss, mais quand on se balade dans son donjon sans le moindre problème et qu’il peut encore one-shotter l’équipe, c’est tout de même rageant).

En parlant du boss de fin, il faut bien admettre que la fin du jeu est frustrante. Elle arrive assez rapidement (ce qui est plutôt une bonne chose : les mécaniques de jeu étant répétitives, cela évite l’effet de lassitude), mais surtout elle arrive alors qu’on n’a aucun début de réponse aux mystères que l’on poursuit. D’un point de vue scénaristique, l’aventure n’a finalement pas beaucoup bougé entre le début et la fin…

Hack est un univers vaste, et la fin du premier jeu n’est que la fin d’une introduction, d’une accroche vers le reste du projet. Le principe de jeu dans le jeu, le parallèle avec l’addiction, l’inversion des référentiels jeu/vie réelle et le gameplay dynamique sont des atouts certains qui donnent envie d’en savoir plus et de prolonger l’expérience. D’un autre côté, la répétitivité des mécaniques de jeu et la lenteur à laquelle le scénario se dévoile (ou, justement, ne le fait pas) amènent à se demander si cette introduction ne se suffirait pas à elle-même…

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