Post Mortem : Poyas Odyssey, un jeu étudiant…

Vous n’avez probablement pas entendu parler de Poyas Odyssey, un jeu étudiant, que nous (cinq étudiants en game design) avons réalisé en 2013. Nous nous sommes dit qu’il serait peut être intéressant de rédiger un post mortem de Poyas Odyssey, un post mortem qui expliquerait comment le jeu a été fait. Ce qui s’est bien passé et ce qui s’est mal passé. D’essayer de montrer les spécificités et les impératifs d’un jeu étudiant. Et de montrer dans un second temps comment nous avons essayé de publier ce jeu sur des plateformes de jeu en ligne gratuites.

Poyas Odyssey est un jeu d’aventure et de réflexion à la première personne. Portal like assumé, le jeu se déroule dans un temple d’inspiration précolombienne et demande au joueur de contrôler un ensemble d’entités, des Poyas à l’aide d’un cube ayant le pouvoir de les attirer ou de les repousser. Au fil du jeu, le joueur apprendra à contrôler ces entités et devra s’en servir pour résoudre des énigmes, activer des mécanismes et parvenir à la fin du jeu. (Qui ne dure qu’une quinzaine de minutes.)

Opifex LudusNous, c’est qui ?

Nous sommes cinq étudiants en section Game Design à l’ICAN (Institut de Création et d’Animation Numérique) une école de Game Design parisienne. Nous avons entamé depuis Septembre notre troisième année d’étude. Ce qui veut dire que nous étions en seconde année lors de la création de Poyas Odyssey.

Notre équipe était donc composée de cinq personnes :

  • Samy Badache – Game, Level Designer, Developer
  • Rami Bououd – Game Designer, Level Designer
  • Antoine Carouge – Game Designer, 3D Artist, Sound Designer
  • Guillaume Cazelles – Game Designer, Level Designer
  • Christophe Portier – Game Designer, 3D Artist

Les conditions de développement.

Cette présentation me permet de rappeler que nous sommes tous étudiants en Game Design. C’est la une condition assez spécifique avec laquelle il a fallu s’accorder. Il faut apprendre à trouver ses marques dans le groupe, sa place. La nôtre était la suivante : Nous participons tous aux décisions de design et ayant tous une double compétence, nous nous occuperons chacun d’un aspect du projet. Ce qui nous a permis d’avoir au final une répartition des taches assez classique, sans pour autant exclure qui que ce soit.

Nous avions quatre mois pour réaliser notre projet, mais étant aussi étudiants, ces quatre mois étaient quatre mois de cours. Nous devions ainsi travailler sur le projet en dehors de nos heures de cours. Nous avions un emploi du temps adapté, mais nous étions très loin de pouvoir travailler à temps plein sur ce projet.

Nous avions un thème commun imposé cette année pour nos jeux et ce thème était « Granularité » Il nous fallait donc trouver un concept, un jouet répondant à cette thématique.

Un jouet ?

Selon Jesse Schell, Un bon jouet est un objet avec lequel il est amusant de jouer. On joue à un jeu, mais l’on joue avec un jouet. Contrairement à un jeu, un jouet n’a pas de notion d’objectif ou de défaite. Il n’y a pas non plus de règles à respecter.

Modèle Spirale BoehmMais alors pourquoi partir d’un jouet ?

Faire un jouet numérique et se concentrer sur le cœur d’une expérience, le noyau d’un jeu et ses mécaniques principales, c’est pour des étudiants comme nous s’assurer que l’on se concentre sur l’essentiel.
Si le cœur d’expérience est mauvais, s’il n’est pas amusant seul alors il y aura des chances pour que le jeu ne le soit pas au final.

Cette méthode de travail a des qualités comme des défauts. Elle nous permet d’être sûrs que le cœur du jeu est fun avant d’aller plus loin dans le développement. Avoir un cœur amusant, c’est aussi avoir une certaine garantie. Si nous manquons de temps ou de moyens, nous pourrons toujours couper une partie du jeu, retirer du contenu comme des niveaux, des mécaniques secondaires ou des environnements sans altérer l’expérience principale et à court terme du jeu.

Mais cette méthode a aussi quelques défauts. Se concentrer sur un noyau et ne faire son jeu que si le noyau est fun c’est aussi risquer d’avoir une vision un peu trop à court terme, et de ne pas développer des idées géniales sous prétexte qu’elles ne sont pas immédiatement amusantes.

Quelques phrases et images sur les différents prototypes qu’on a créés.

Le risque de commencer uniquement avec un jouet, c’est de manquer de vision à long terme. De s’éparpiller en ne sachant pas dans quelle direction aller. C’est un peu ce qui nous est arrivé :

  • Premier prototype, première idée (Février 2013) :

Le joueur a la capacité de lancer une boule rebondissant dans son environnement. Les cubes présents suivent de manière un peu désordonnés la boule que le joueur lance.C’est assez marrant, la balle rebondit dans tous les sens et on voit les cubes s’amasser, se disperser se cogner et suivre la balle. Le comportement nous semblait assez vivant et dynamique.

1Split

  • Second Prototype : Les aimants (Mars 2013)

Trouvant les mécaniques d’attraction et de répulsion intéressantes, nous avons créé un prototype dans lequel se trouvaient des aimants. Le joueur pouvait en leur cliquant dessus alterner leur polarité. Les objets de même polarité se repoussaient tandis que les charges négatives et positives s’attiraient. C’est à partir de ce moment-là que nous avons décidé d’aller vers le Portal Like et de créer des énigmes à résoudre avec ces capacités. Nous commençons aussi à avancer niveau DA et à nous orienter vers un univers plutôt Steampunk.

Ce prototype nous plaisait assez, mais il avait quelques défauts, on perdait beaucoup du dynamisme de notre précédent prototype et même si on pouvait voir des comportements intéressants, nous étions au final plus spectateurs qu’acteurs.

2Magnet Mars2013 -13Magnet Mars2013 -2

  • Troisième prototype : Retour à la base (Avril 2013)

Nous avons donc décidé d’abandonner l’aspect aimant et de revenir à notre idée de base en conservant l’idée de l’attraction et de la répulsion : Un Cube, que le joueur peut lancer, sera suivi par une masse d’entités, des boules. En fonction de l’état du cube, les entités suivront puis fuiront le cube. On s’approche ainsi des mécaniques finales du jeu. Des niveaux et des éléments de LD commencent à apparaitre. La Deadline elle aussi approche à son tour, nous devions présenter notre projet le 21 mai 2013.

5PoyasLDSansSkin042013-64PoyasLDSansSkin042013-1

  • Quatrième Version : Poyas Odyssey (Mai 2013)

Après plusieurs mois de travail, nous sommes enfin arrivés à la version qui sera présentée au jury. La DA est définitive et s’éloigne complétement de l’aspect Steampunk auquel nous avions d’abord pensé. Plusieurs niveaux sont en place. Les boules deviennent des Poyas, l’environnement devient un temple précolombien et la plupart des éléments de LD apparaissent.

Nous avons rencontré pendant le développement pas mal de problèmes liés à la physique étant donné que chaque poyas, chaque entité était soumises à des forces physiques. C’était notre premier véritable projet Unity et ces contraintes techniques ont eu au final un véritable impact sur le projet, sur le Level Design, ainsi que sur les briques de gameplay du jeu. C’était un premier projet sur Unity et beaucoup des problèmes que nous avons rencontrés à l’époque ne nous semblent pas aussi insurmontables aujourd’hui.

6Chapitre-1

Soutenance et après…

SoutenanceA cause de ces difficulté techniques, la construction des niveaux prenait énormément de temps et nous n’avons pas pu, pour notre soutenance, réaliser tout ce que nous souhaitions. Notre équipe a eu de très bons retours lors de cette soutenance, ce qui nous a permis de voir que nous avions choisi la bonne direction pour mener à bien Poyas, malgré un développement quelque peu complexe. Mais ce dont nous étions certains, c’était que nous ne voulions pas que ce projet soit un projet abandonné de plus, nous voulions à tout prix le finaliser, le cleaner afin de le soumettre à des joueurs. Afin que nous n’ayons pas fait ce travail pour rien, afin d’aller plus loin et d’essayer d’atteindre des joueurs comme nous. Un jeu a besoin d’être joué pour exister.

Bien entendu, travailler sur le projet pendant les vacances n’a pas été facile et bien que le prototype fut assez avancé, il fallait quand même s’attaquer à un grand nombre de bugs afin qu’il soit le plus jouable possible. Il a fallu créer des interfaces, un menu pause, l’optimiser etc.

La publication

Kongregate_logo

Une fois tout cela fini, nous avons publié une version sur navigateur de Poyas, il s’est ainsi retrouvé disponible sur Kongregate, sur Ebog, sur Gamejolt etc. Nous avons ainsi découvert l’univers des plateformes de jeu en ligne, c’est un marché qui possède quelques points communs avec celui de l’appstore ou de l’android market. Beaucoup de jeux y sont gratuits, certains ont des systèmes de payement in app, d’autres encore sont financés par la publicité.

Les meilleurs jeux de ces plateformes sont joués par des millions d’utilisateurs et tout comme sur le marché mobile, des détails comme l’icône représentant un jeu ont une importance fondamentale sur leur potentiel succès. C’est une chance pour nous d’expérimenter la publication d’un jeu et le fonctionnement de ce type de marché alors que nous sommes encore étudiants. Nous pouvons faire des erreurs et apprendre sans que les conséquences ne soient dramatiques. Ce projet nous a permis de découvrir ce marché sans avoir la pression de devoir à tout prix réussir pour survivre.

Des chiffres, pleins de chiffres.

Poyas Odyssey a été joué plus de 134 mille fois depuis sa publication en septembre et a été joué par plus de 96 mille joueurs uniques. On peut voir sur cette courbe l’évolution du nombre de nouveaux joueurs au fil du temps.

Installs Total (joueurs uniques)

Le premier pic correspond au lancement du jeu et à sa position en home dans les différentes plateformes de distribution de jeu. Les pics suivants correspondent à des évènements spécifiques, comme l’apparition du jeu sur de nouvelles plateformes, la mise en ligne d’une review ou encore la mise en avant du jeu par certaines plateformes. Ce qu’il faut comprendre c’est qu’après avoir publié le jeu, nous n’avions plus aucun pouvoir sur lui, tous ces évènements ont eu lieu sans que l’on n’y ai fait quoi que ce soit. Le jeu a été publié et a vécu ensuite sa propre vie.

Number of Sessions per User

Poyas Odyssey est un jeu assez court et proposant une rejouabilité assez nulle, il est donc assez normal de voir que peu de joueurs y sont revenus régulièrement. Le temps moyen d’une session de jeu est de 5 minutes et demie. Le jeu pouvant être terminé en 10 à 15 minutes, une session de 5 minutes permet de se donner une bonne idée de ce qu’est le jeu. Nous sommes assez contents de ces chiffres, sachant que cette moyenne prend en compte aussi les joueurs qui auront quitté le jeu immédiatement après l’avoir lancé.

Avg Session length

Le pays ayant le plus joué à Poyas est la Turquie, suivie par le brésil, l’argentine, les états unis, la Russie etc. Comme nous l’avons dit, Poyas a au final eu sa propre vie puisqu’il a été récupéré et publié sur des plateformes spécifiques à certains pays sans que nous n’ayons rien fait. D’ailleurs, Poyas Odyssey a été majoritairement joué sur des plateformes étrangère et très peu sur une plateforme référence du genre comme Kongregate ou nous n’avons eu que 258 sessions.

Installs by country2

Nous avons été assez ravis de la réception qu’a connu Poyas Odyssey, nous avons eu de très bon retours, quelques Let’s Play sont apparus, ainsi que quelques reviews, notamment une sur Indie Statik. Ce fut une expérience très intéressante que de publier notre jeu et de le proposer directement aux joueurs, une expérience que nous réitérons sans hésiter.

1 réflexion au sujet de « Post Mortem : Poyas Odyssey, un jeu étudiant… »

Laisser un commentaire