Pythagoria

Je ne suis pas diplômé de CAPES mais j’ai une forte expérience dans l’enseignement des mathématiques de niveau secondaire dans le domaine privé. De plus, je suis actuellement étudiant en Sciences de l’Éducation. Enfin, je me permets ici aussi de porter ma casquette de joueur en plus de celle de pédagogue. Sur tous ces plans, je ne peux que recommander d’éviter l’achat de Pythagoria, pour son inconsistance d’une part, et pour la présence de problèmes insolubles ou incorrects d’autre part.

Le jeu propose 60 puzzles qui sont en réalité des exercices de géométrie algébrique de niveau 3ème. Si vous n’êtes pas familier ou que les cours de math datent un peu pour vous, sachez qu’ils présentent des configurations géométriques qui soulèvent des problèmes arithmétiques et algébriques ; on vous propose de trouver une inconnue (une aire ou une longueur) en opérant avec des données numériques connexes apportées par les figures. La démarche déductive s’articulera alors sur des principes de géométrie basiques et des résolutions d’équations (premier degré, résolution de système de deux équations à deux inconnues). Ces principes, ou postulats, sont les suivants :

• Un côté commun à deux figures implique que sa longueur sera identique pour les deux figures ;
• Deux longueurs de deux segments intermédiaires vérifient que leur somme donne bien la longueur du segment composé ; de même pour la somme d’aires si les surfaces se complètent ;
• Ce qui est visiblement droit (perpendicularité) l’est véritablement. Conséquence sur le parallélisme ;
• En revanche, la proportionnalité des longueurs perçues n’est pas respectée, ce n’est pas une donnée fiable. Ainsi, un carré en apparence peut être un rectangle en « réalité ».

Déjà, on pourra remarquer que le dernier point est hautement débattable d’un point de vue pédagogique, si l’usage en est fait. Dans certains cas la perception des objets « naturels » entre en conflit avec la création d’un espace problème à même de résoudre l’exercice. Il faut alors s’imposer une lourde charge cognitive pour inhiber les éléments « taquins ». Certes, pour l’expert, c’est une difficulté qui s’avère agréable mais pour celui qui n’est pas familier avec ce genre de problèmes, c’est une variable didactique non nécessaire, voire handicapante. Pas sûr que le prof de math de 3ème y verra donc un intérêt à proposer ce « ludiciel » à ses élèves.

Deuxième problème soulevé : l’inconsistance dans la courbe de difficulté. On peut très bien tomber sur un exercice qui semble s’appuyer sur des raisonnements sophistiqués en fin de série (j’ai vu comme quelque chose qui se rapproche du problème de quadrature du cercle, certes « solvable » par l’intuition, mais dont la démonstration est simplement incohérente avec le niveau rencontré jusqu’ici) voire triviaux (juste avant j’ai rencontré un exercice qui demandait simplement de jouer avec des nombres entiers, sans même passer par les fractions et l’algèbre).

Troisième problème : des postulats de départ qui sont simplement violés. Vous comprendrez que, si l’on se joue des règles acquises par le joueur, il a de quoi se sentir frustré. Dans le lot, on a donc : des symbologies qui sont utilisées quand ça chante au développeur et un principe de proportionnalité qui doit être à nouveau respecté dans certains exercices parce-que-c’est-comme-ça-et-puis-c’est-tout. Il aurait aussi été bon de rappeler les formules d’aire du triangle, les propriétés du losange, etc. dans le tutoriel qui vous fait croire que seul le calcul d’aire d’un rectangle vous sera nécessaire.

Enfin, le pire du pire, certaines propositions d’exercice sont insolubles, et croyez-moi j’ai passé plusieurs heures à les vérifier (elles peuvent d’ailleurs être facilement réfutées par l’absurde en utilisant la réponse attendue par le jeu). Et quand l’auteur est dans l’incohérence mathématique et qu’en plus il s’attend à une réponse qui viole le postulat de proportionnalité et sortie de nulle part, ça en devient hilarant (c.f. comparaison de mon screenshot ci-contre avec la solution apportée par le dév’ ici).

Tout ça porte à croire que l’auteur de ce logiciel s’est probablement inspiré de temps à autre d’exercices provenant de sources multiples quand il était simplement à court d’imagination. D’où les puzzles triviaux et répétitifs que l’on rencontre fréquemment et des exercices erronés provenant de sa main quand d’autres plus sophistiqués violent les postulats des dits-exercices, injectés d’une source qui ne partageait probablement pas les mêmes prémices. Même par son étiquette de prix très faible, il ne justifiera pas l’achat pour les matheux en herbe (car non pédagogique) ou confirmés (car infidèle).

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