Critique

A Plague Tale : Innocence

Développeur : Asobo Studio – Éditeur : Focus Home Interactive Digital – Date de Sortie : 14 mai 2019 – Prix : 44,99 €

Ils et elles ont fait Ratatouille, WALL-E et La-Haut pour feu THQ, existent depuis 2003 avec quelques jeux très oubliables (Croque Canards sur PS2 c’était eux) et se sont mis.es à bosser sur l’HoloLens. ReCore avec Keiji Inafune ? C’était aussi un peu eux.lles. Disney Adventures pour Kinect ? Pareil. Preuve que derrière des jeux moyens ou oubliables se cachent peut-être des génies qui n’ont juste pas l’occasion de briller avec de beaux projets, Asobo Studio débarque en 2019 pour tout casser et proposer un A Plague Tale exceptionnel qu’absolument personne n’avait vu vraiment venir ne serait-ce qu’en début d’année. 

La peste

Amicia de Rune, fille de Robert et Béatrice de Rune, est notre héroïne. Elle va devoir protéger son petit frère Hugo de l’Inquisition Espagnole qui semble les chasser pour une obscure raison. En parallèle prolifère une peste noire et des rats dévoreurs de chair. Les tenants, aboutissants, précisions et fonds de pensées seront absents de cette critique qui va vous laisser tranquillement découvrir cette histoire sombre et puissante, qui par ailleurs est l’un des premiers gros points forts de A Plague Tale.

Nous sommes dans un jeu à la troisième personne principalement orienté Infiltration. Amicia peut lancer des cailloux et autres projectiles divers et variés (vous la voyez, la petite phrase classique pour éviter de vous spoiler ?) dans le but de faire diversion et éviter des gardes ou bien… Leur fracasser le crane d’une pierre bien lancée. Mais ce n’est pas cet aspect du jeu qui reste le plus marquant.

Les rats. Ces immondes bestioles maléfiques (dans A Plague Tale tout du moins, je n’ai rien contre votre animal de compagnie favori) ne craignent qu’une chose : la lumière. À vous de jouer dans des niveaux au level design d’une ingéniosité remarquable, en vous aidant de torches, en sprintant entre les zones éclairées, en minutant vos escapades à la torche en pleine nuée de nuisibles alors que le feu semble s’éteindre beaucoup trop rapidement.

Servis par une gestion de « horde » plutôt réussi, ces rats s’affichent par milliers à l’écran dans certains des plus étonnants moments du récit. A Plague Tale est rempli de moments glauques, qui donnent la nausée, qui amènent le joueur à oralement exprimer du dégout et du malaise. L’ambiance de A Plague Tale est effroyablement réussie.

Un coeur d'infiltration

A Plague Tale n’est pas un jeu bourrin, loin de là. Chaque mort se doit d’être visible, glauque, unique, marquante. Les nombreux soldats qui seront sur votre chemin vont devoir être contournés avec précision, main dans la main avec Hugo ou en lui demandant de vous attendre à un point A avant que vous ne sécurisiez le point B. Vous pourrez, comme précédemment expliqué, jouer de la fronde pour claquer une pierre sur le crâne sans protection de vos ennemis et voir leur crane se fendre avant qu’ils ne tombent au sol. Mais une fronde, ça fait du bruit et c’est le meilleur moyen de se faire repérer par les autres gardes.

Pour plus de silence, vous pouvez juste jeter à la main ces pierres sur un tas de ferraille et espérer détourner l’attention de vos assaillants. Jusqu’au moment où ces gardes auront eu l’intelligence de porter des casques : là, il va falloir jouer de l’inventivité et utiliser d’autres projectiles plus malins et efficaces que je vous laisse découvrir.

Les rats peuvent aussi être vos alliés si vous manipulez le terrain : un soldat posté en dessous d’une torche ? Lancez une bombe à eau sur celle-ci et votre cible sera dévorée vivante par les rats alentours. Cela fera même diversion, le temps qu’ils s’occupent du corps, afin de contourner ces mêmes rats et aller de l’avant. A Plague Tale est rempli de petites idées de gameplay qui, mises bout à bout, proposent une expérience de jeu faussement libre mais toujours porté vers la réflexion et l’envie de se dépasser pour trouver la solution qui permet de progresser sans se faire repérer. C’est un gameplay gratifiant.

Un récit marquant

A Plague Tale : Innocence est donc une histoire particulièrement marquante qui, tout au long de ses 17 chapitres au rythme soutenu parvient à ne jamais jouer la redite et à se renouveler dans ses idées. On passe de tableau en tableau en évitant de se morfondre dans un récit sombre, glauque et effroyable ou Amicia et son frère deviennent rapidement des êtres auxquels on s’attache sans difficulté.

Ceci grâce, avant tout, à un doublage de qualité autant en français qu’en anglais. Les voix sont extrêmement bien doublées et l’univers global y gagne en crédibilité. Mais comment ne pas citer le travail étonnant de Olivier Deriviere, compositeur de talent qui nous revient en grande forme. Sortant d’une certaine zone de confort, Olivier Deriviere propose une bande son marquante à tout moment, mise en situation d’une main de génie par les développeurs du jeu qui se font un malin plaisir de jouer avec cette composition. Un orage ? Il craquera en même temps que sa note attitrée. Une tristesse ? La musique ponctue et fait monter les larmes. Des rats ? Vous vous souviendrez davantage de leur musique que de leurs petits cris stridents déjà bien horrifiques.

Porté du début à la fin par tout ce génie artistique et ce sens de la mise en scène, sans jamais oublier qu’il est un jeu vidéo (on n’a pas tellement de cinématiques non-jouables au final et quelques collectibles viennent gonfler la durée de vie), A Plague Tale a ses petits mais marquants défauts. Un principe de forge vous proposer de transformer les matières premières que vous trouvez en améliorations pour votre équipement, mais celui-ci peine à progresser puisque les mêmes matériaux sont utilisés pour les divers projectiles à développer.

Cela mène à un dernier chapitre d’action combinant beaucoup de soucis : un équipement pas toujours très amélioré, des ressources insuffisantes aux alentours, une surdose de gardes pour « marquer le coup » qui rend la dernière bataille particulièrement lourde et surtout, des bugs parsemés dans le jeu qui prennent rendez-vous en Chapitre 16 pour tous apparaitre d’un coup. L’intelligence artificielle a ses défauts, mais pas autant qu’à ce chapitre précis, pour lesquels on vous demandera de bien vous préparer. Enfin, les déplacements de Amicia sont pensés pour l’infiltration mais se révèlent parfois un poil lourds, surtout quand on tient Hugo par la main. Globalement le Level Design est pensé pour, mais il arrive que ce souci soit très ennuyant dans les endroits les plus exigus et qui demandent une précision de mouvements.

A Plague Tale : Innocence c’est un récit poignant et une infiltration gratifiante, aux tons glauques, sombres, très adultes. Les compositions d’Olivier Deriviere et son traitement en jeu font beaucoup pour l’ambiance globale qui, artistiquement, marque et touche avec talent. Asobo ressort de nulle part et sort sa fronde pour nous frapper le cœur d’une petite perle qui ne demande plus qu’à faire partie d’un joli bijou nommé franchise. Bienvenue Amicia, installe-toi confortablement, voici Kratos, Clementine, Joel et Aloy. Tes pairs.

Image de SkyWilly

SkyWilly

Rédacteur en chef collectionneur de Skylanders et qui passe beaucoup trop de temps sur ces briques Lego. Heureusement qu'il y a des petits jeux pour s'évader ! Auteur de Le jeu vidéo indépendant en 2015 : Portraits de créateurs

D'autres Critiques

Laisser un commentaire