Critique

Deliver us the moon

Développeur : KeokeN Interactive – Éditeur : Wired Productions – Date de Sortie : 10 octobre 2019 – Prix : 24.99 €

Deliver Us The Moon débarque après avoir connu un développement tumultueux s’étendant sur quatre longues années, suite à une campagne Kickstarter ayant accumulé un peu plus de cent-mille euros. Initialement prévu en cinq épisodes, le studio néerlandais de KeokeN Interactive a revu les ambitions de leur soft à la baisse, en ne sortant qu’un seul et unique opus. Pour le meilleur ?

Viser la lune, ça ne me fait pas peur

Alors qu’une catastrophe écologique assèche la Terre de toutes ses ressources naturelles, une entreprise sur le déclin – la World Space Agency – catapulte un astronaute anonyme sur la lune, pour y explorer les méandres d’une base subitement abandonnée. Initialement chargée d’exploiter une source d’énergie lunaire, ultime chance de survie d’une humanité en déperdition, ladite base a coupé le contact avec la Terre et son personnel semble s’être évaporé. C’est avec ce pitch ultra classique que l’aventure de Deliver Us The Moon démarre ; un scénario aux faux airs d’Interstellar pour sa fable écologique, qui se rapprochera finalement bien plus du très introspectif et solitaire Ad Astra.

Ainsi, Deliver Us The Moon se détache progressivement de son contexte apocalyptique, préférant mettre en avant l’humain dans toute son ambivalence et sa dramaturgie. Si le protagoniste principal ne prend pas une seule fois la parole tout au long du jeu – pendant longtemps son identité est d’ailleurs volontairement rendue ambiguë, tant par sa combinaison ample, que par son casque opaque – il témoigne en revanche des drames personnels de l’équipage de la station, qui s’entrecroiseront avec le destin funeste de la Terre, par l’intermédiaire d’enregistrements audio et holographiques glanés çà et là, au long d’un périple d’environ cinq heures. Dommage toutefois que les thématiques qu’abordent le jeu (la solitude, le huis-clos) soient sabordées par une écriture plate et inégale, pas aidée il faut le dire par un doublage qui manque sérieusement de panache.

C’est finalement dans sa narration environnementale que Deliver Us The Moon puise sa force. Souvent contemplative, et s’entrecoupant de quelques pics d’action bienvenus, celle-ci entretient bien la sensation de dénuement que vit notre astronaute, et cette douce mélancolie qui naît au contact de l’immensité silencieuse de l’espace. La direction artistique connaît ses moments de gloire lors des quelques passages en extérieur, avec une mise en scène tout en suspension, sublimée par une bande-originale planante qui s’inspire de monuments de la composition tels que Max Richter ou Hans Zimmer.

La chute libre

Hélas, le dernier tiers de l’aventure se montre artistiquement bien plus perfectible, avec une action prenant place essentiellement en intérieur, et enchaînant les couloirs au graphisme sans-saveur. On regrette aussi le parti pris du studio néerlandais, d’alterner entre une vue FPS et une vue à la troisième personne ; car si la première se montre immersive, la seconde vient en revanche casser un sentiment de solitude si propice à l’exploration spatiale, en plus de nous mettre sous le nez l’animation médiocre et rigide du protagoniste.

Même si Deliver Us The Moon met l’accent sur sa dimension narrative, l’aventure reste parsemée d’énigmes pour la plupart dirigistes et peu passionnantes à résoudre, où il s’agit principalement de dénicher tel code pour déverrouiller telle porte. Les développeurs ont pourtant tenter de varier les plaisirs en implémentant, entre autres, des mécaniques d’infiltration (imprécises et terriblement frustrantes) ; mais aussi la possibilité de conduire un rover lunaire, ou de contrôler un droïde au design mignon (utile dans la résolution de certains puzzles). Sauf que le tout manque cruellement de profondeur, et donne l’impression que les développeurs n’ont fait que répondre mécaniquement à un cahier des charges trop ambitieux, imposé par les promesses faites lors de leur campagne Kickstarter.

 

Si l’on devait faire la somme des qualités et des défauts de Deliver Us The Moon, on pourrait dire que le soft néerlandais est tout juste acceptable : capable lorsqu’il s’agit de mettre en place une ambiance visuelle et sonore agréable, mais échouant à se conformer à ce standard dans la durée. Prisonniers de leurs ambitions, les développeurs ont visé la lune mais se sont perdus dans l’espace, malgré un décollage réussi.

Image de Gattu

Gattu

Joueur biberonné à quelques vieilleries telles que Secret Of Mana, Half Life ou Day of the Tentacle ; aujourd'hui reconverti sur les jeux narratifs, principalement par manque de temps et... de temps.

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