Critique

Need for Speed Heat

Développeur : Ghost Games – Éditeur : Electronic Arts – Date de Sortie : 8 novembre 2019 – Prix : 70 €

Need for Speed Heat

Palm City, ville côtière des États-Unis, un paradis sur Terre : plages, chaleur, hommes et femmes parfaits, toute la jet-set se retrouve ici l’été loin des Los Angeles ou Miami déjà bondées. Depuis quelques années, cette cité s’est transformée en passage obligatoire pour tous les amoureux de course automobile. La mairie de Palm City est devenue un partenaire privilégié avec le Speedhunters Showdown, un événement centré autour des grosses cylindrées, avec la possibilité de fermer certaines routes le jour pour que les pilotes puissent jouir de la route comme ils l’entendent. Cependant cet enthousiasme continue jusque très tard dans la nuit, en dehors des horaires du Showdown. Les forces de l’ordre font alors tout pour endiguer le problème des courses clandestines en appliquant une tolérance zéro. Nos journalistes ont réussi à se fournir le récit d’une personne, que nous nommerons Michel (le prénom a été changé), qui s’est retrouvée dans la tourmente malgré elle.

Corruption, menaces, courses illégales, lutte acharnée de la police ; bienvenue à Palm City.

Journal intime de Michel

Jour 1. Je reprends soudain mes esprits devant un garage de Palm City, je ne sais pas trop ce que je fais ici. Lucas, le propriétaire m’invite à entrer et me propose de choisir une bagnole. Pourquoi ? Comment ? J’ai visiblement une perte de mémoire. Je ressemble à un xxx d’influenceur Instagram et il veut me filer une caisse, il fait confiance à n’importe qui… Je choisis une Japonaise, elles ont vraiment de la gueule et de la puissance. À peine sorti, on me propose déjà ma première course du Showdown. C’est la porte ouverte à toutes les fenêtres (NDLR : nous avons atténué certains propos injurieux).

Ce fut une catastrophe. J’ai l’impression d’être dans un monde parallèle. J’ai déjà conduit des bolides, mais là le véhicule semble violer toutes les lois de la physique connues. Je n’ai toujours pas pigé comment ça marche, il va me falloir apprendre de zéro.

Jour 2. Je m’en sors mieux, mais ma Nissan semble un poil juste. Direction un revendeur de pièces pour améliorer tout ça. Les xxx à l’intérieur ne m’ouvrent pas les portes. Ana, une femme qui passait par là, m’a raconté qu’ils n’offraient leurs services qu’à celles et ceux qui se sont fait une réputation. Pour en acquérir, il faut faire des courses la nuit. Mais ça me fait peur, car c’est interdit et les flics sont des durs à cuire. Mais bon, je me laisse tenter par ses charmes et me voilà parti pour mes premières virées nocturnes.

Jour 3. Ce fut tendu. Dès que tu débutes une course de nuit, tu es automatiquement ajouté à une liste de personnes recherchées. Ça sort de nulle part, on dirait une opération du saint esprit, car même si aucun flic ne t’a vu durant une épreuve, dès qu’on en croise un, une poursuite s’engage. J’arrive à capter leurs transmissions via une application téléphone magique, ils sont hypers vénères ! Les insultes volent et c’est parfois sordide à tel point qu’un flic a voulu abandonner la poursuite, car il devait aller faire des courses. Véridique !

Jour 10. Je commence à être connu par mes confrères. Les flics sont toujours aussi bêtes, car ils oublient toujours ce qui s’est passé la veille. Mais il y a un Shawn, un vrai xxx. On l’a croisé sur un parking et a réquisitionné la voiture d’Ana sans aucun prétexte.

Jour 11. Mon pote Ken m’emmène dans la zone de la station d’épuration pour une nouvelle épreuve. Il avoue adorer cet endroit, car les routes sont tout le temps dégagées, même si, je cite : « ça sent la mort ». Il est un peu moins mon pote depuis, d’autant plus qu’il m’a soûlé durant la course en arrêtant pas de parler, de me vanner lors de mes erreurs de conduite. Je lui mets cinq secondes à la fin. Je bloque les communications de ce gros naze, même s’il m’a offert de nouvelles suspensions.

Jour 15. Un autre pote de Lucas, Wayne, m’emmène sur une piste spéciale pour apprendre le drift, cette discipline trop cool qui consiste à déraper le plus longtemps possible. Sa tire est top, mais la mienne accroche trop, il faut que j’économise pour m’acheter une caisse spécifique pour le drift.

Jour 20. Ma première arrestation. La police avait sorti les gros moyens. Malgré une résistance digne des chars Abrams, ma beauté s’est faite exploser. J’ai perdu de l’argent et de la réputation avec cette histoire. La prochaine fois je ferai des nuits plus courtes, car ils ont la mémoire encore plus courte ici…

Jour 22. La maréchaussée embauche de sacrés phénomènes à Palm City. Histoire soir, une unité m’a traité de baltringue ! J’hésite à porter plainte. La femme du central qui se plaint continuellement a dû faire un stage avec les Inconnus ou Groland pour sortir des phrases du style : « n’oubliez pas que la nuit est à nous », avec une grosse emphase sur le “est”, genre « cela ne NOUS regarde pas ! ». Où suis-je tombé ?

Jour 29. Cher journal, je deviens fou : mes espèces d’amis me gavent, ils n’arrêtent pas de jacter quand on conduit, ils me prennent pour un moins que rien ; dès que je commence à être un peu plus célèbre, mes adversaires viennent avec des autos plus puissantes, ce qui m’oblige à encore plus économiser ; les flics sont pourris et volent de l’argent ; des courses se font sur des voies de train aériennes ; et tous les physiciens se retournent dans leur tombe maintenant que j’ai mis la main sur les formules qui régissent ce monde.

Jour 35. Ma réputation me précède, j’enchaîne les courses avec une aisance folle. À part le fait de toujours être obligé à améliorer mon garage, je repars étrangement chaque jour avec l’envie de devenir propriétaire des plus belles voitures existantes.

Jour 37. Mon envie s’est un peu tarie avec ce qui est arrivé hier soir. Lors d’une course, Ana, qui a emprunté secrètement la voiture de son père, s’est retrouvée poursuivie par cet enfoiré de Shawn. J’ai abandonné pour lui venir en aide. Ce fut difficile de nous en débarrasser, mais nous nous sommes sauvés. Au journal télé de ce matin, le grand chef de la police, ce salop de Mercer, poussa une gueulante malgré les suspicions de corruption de Shawn suite aux billets retrouvés près de la carcasse de sa voiture.

Jour 66. J’ai maintenant accès à des courses tout terrain, mais c’est toujours dans un seul but : briller et gagner quelques francs. En gros, les jours se suivent et se ressemblent : je dois gagner de la réputation et je dois gagner contre des genres de boss de fin de niveau. Des gens chelou m’ont approché, la Ligue, on dirait une espèce de secte. Au moins, on a la même mission : faire tomber la police locale et Mercer.

Jour 86. J’ai débuté l’écriture d’un semblant de thèse sur la physique de notre monde. Cela va faire trembler le monde scientifique, mais les gens doivent savoir ! Peut-être recevrai-je un prix Nobel.

Jour 100. Centième jour à Palm City, c’est fou comm [Pour continuer à lire cet article, veuillez vous abonner].

C'est Criterion, Playground et Vin Diesel qui rentrent dans un bar

 

Ce récit fictif donne beaucoup d’indices sur ce qu’est Need for Speed Heat. Oui beaucoup d’indices, car la seule fiction repose sur la temporalité, le reste est vrai ou enrobé de bêtises pour faire passer la pilule plus facilement.

Pour entrer un peu plus dans les détails, on peut imaginer que Ghost Games, le développeur, s’est gavé de Burnout Paradise, Forza Horizon et de Fast & Furious. Cela a engendré une ville ensoleillée accompagnée d’une campagne, ouvertes à de nombreuses épreuves, le tout entrecoupé d’un scénario écrit par un collégien. Alors qu’on aurait très bien profité d’une aventure arcade sans fioritures, Electronic Arts semble vouloir garder ce vieil héritage où il faut absolument une narration là où cela n’est pas nécessaire. À titre d’exemple, les deux autres jeux cités sont des énormes chefs-d’œuvre sans avoir reçu des tonnes de lignes de dialogue.

Le manque d’histoire peut être compensé par une conduite exemplaire comme le faisaient les deux autres titres. Il n’en est rien ici. Il m’a fallu environ quatre heures pour comprendre la subtilité de ce Need for Speed. Christian Huygens, Isaac Newton et compagnie, allez manger vos mères, car la force centrifuge, la gravité, l’énergie cinétique, tout ça, n’ont pas été implémentées. La preuve est démontrable simplement : foncez à 200 à l’heure en ligne droite, puis mettez un coup de frein à main en même temps qu’un coup de volant, votre voiture fera une rotation instantanée à 90 degrés sans aucune incidence sur le transfert de masse ou autres systèmes connus. Même les magiciens n’arrivent pas à faire de telles prouesses.

Je suis parfaitement conscient que le fait d’appliquer le terme arcade et non simulation permet de s’affranchir de certaines règles fondamentales, mais qui a bien pu se dire que ce modèle de conduite était fun ? Est-ce amusant de taper une voiture à pleine balle puis de n’être ralenti que de 10 km/h, alors que l’autre fait des tonneaux ? Est-ce amusant de toucher un PNJ et d’être éjecté plusieurs mètres en l’air ? Est-ce amusant d’avoir l’impression d’avoir une savonnette de 25 tonnes ? Je ne pense pas.

Vous savez quoi ? En fait je crois que Heat n’a pas été développé pour être un jeu de voiture. C’est autre chose. C’est un RPG où Fast & Furious s’est dark soulisé. Si si, je vous jure ! Voyez le frein à main comme un cancel lors d’un combo ; le monde ouvert et les courses comme dans Skyrim où certaines zones sont limitées si vous n’avez pas le niveau ; les garages comme les feux de camp, ces endroits où on se sent en sécurité après une nuit compliquée et là où tout recommence comme si de rien n’était ; le tout enrobé d’un scénario mauvais (ça c’est le côté F&F) avec la famille et l’amitié comme axes centraux. Et vous savez quoi, comme ses inspirations, on sait que ça fait toujours mal d’y retourner, mais ce n’est pas grave, car il y a une attraction étrange, un truc qui nous pousse à continuer.

Need for Speed Heat
On peut modifier sa voiture à volonté et on peut partager ses créations, ou en télécharger
Need for Speed Heat
Les flics sont vraiment chiants et semblent être dotés de pouvoir d'accélération fulgurante...
Need for Speed Heat
Les flics qui se menacent entre eux, bonjour les clichés du pourri...

Alors que le syndrome de Stockholm commençait petit à petit à s'installer, il a fallu se mettre à l'évidence : ce n'est quand même pas très bon. Pour être tout à fait clair, Forza Horizon 4 est pour moi le meilleur jeu d'arcade qui existe à ce jour. Avec cela en tête, difficile de venir sur les terres sacrées de l'asphalte. Ghost Games a essayé, il a eu des problèmes : moteur physique incompréhensible, une histoire inutile et clichée, des doubleurs français en roue libre – personne ne sait ce qu'il fait dans le jeu et certains sont dignes de l'héritage Hokuto no Ken ! – et une fuite en avant poussant sans cesse à perfectionner son bolide à cause d'une incapacité à créer de l'amusement avec de simples courses et des récompenses gratifiantes. J’ai quasiment joué 10 heures sans y aller en marche arrière quand il s’agissait de démarrer la PS4, mais honnêtement je ne peux pas vous le conseiller tellement il y a de meilleurs titres pour moins cher.

Zhykos

Zhykos

Touche à tout, mais toujours avec plusieurs mois de retard ; tellement de retard que mon PC n'a pas évolué depuis 2008 quand j'ai commencé à parler de jeux vidéo sur le net.

D'autres Critiques

Creaks

2 réflexions au sujet de “Need for Speed Heat”

Laisser un commentaire