Critique

圣女战旗 Banner of the Maid

Développeur : Azure Flame Studio – Éditeur : CE-Asia – Date de Sortie : 28 mai 2019 – Prix : 17 €

Banner of the Maid

Il fut un temps où une communauté s’extasiait à chaque sortie d’un jeu Advance Wars. Cette ancienne saga originellement parue sur Famicom en 1988 a vu de nombreuses suites apparaître dont celles sur Game Boy Advance, console portable sur laquelle je suis tombé amoureux de la licence. Depuis, peu d’épisodes sont apparus et Intelligent Systems, son développeur, est passé à plus ou moins autre chose comme le tout dernier Fire Emblem (Three Houses, que je vais commencer sous peu, qui a une grosse composante tactique au tour par tour). Face à un certain manque dans ce style – de la stratégie au tour par tour atypique, j’y reviendrai – d’autres se sont risqués à reproduire la recette. Quelques-uns se sont particulièrement fait remarquer ces dernières années comme Wargroove ou Into the Breach (acclamé par la critique dont Crim). D’autres ont essayé et sont totalement passés sous les radars, ce qui est le cas du jeu qui nous intéresse aujourd’hui.

Dragon Wars

Qui aurait cru qu’une œuvre chinoise, uniquement traduite dans leur langue si inconnue dans nos contrées, serait traduite en anglais (ce qui nous a poussé à en faire une critique) et, à mon sens, arriverait à la cheville du maître étalon Advance Wars ? Pas moi pour être franc. Quand ce jeu a été proposé à la rédaction, seules quelques captures d’écran étaient disponibles et je n’avais pas pris la peine de chercher plus loin. On nous présentait des personnages dessinés dans un art très japonais, très manga, avec des femmes aux mensurations démesurées et parfois avec une poitrine très visible. Mon attrait pour ces choses – que même mon psychologue n’explique toujours pas – a fait naître en moi une puissante volonté d’essayer. J’étais loin de m’imaginer que je tenais là un éventuel remplaçant à l’un de mes jeux préférés. Le soir même j’envoyais un message à Skywilly pour lui avouer que j’étais totalement fou à l’idée d’avoir affaire à un successeur du célèbre jeu de Nintendo.

Sous sa couche perverse que seuls les Asiatiques de l’est maîtrisent (via la caractérisation des femmes), Banner of the Maid cache un réel jeu de stratégie au tour par tour avec une difficulté croissante et bien dosée la plupart du temps. Le contexte fantastique de l’histoire nous touche forcément, nous peuple de France, car le scénario nous pose dans notre pays à la fin des années 1700, c’est-à-dire un moment crucial où les têtes tombaient les unes après les autres. À quelques détails près… Nos chers Louis Croix V Bâton et Marie-Antoinette n’ont pas subi la foudre de la guillotine, Robespierre est notre pote, Bonaparte a une sœur dans l’armée française et j’en passe.

What if?

Notre héroïne principale, Pauline, est la cadette de la famille Bonaparte et se voit à la tête, avec son frère, de la campagne contre le royaume d’Autriche lors de la campagne d’Italie. L’Histoire est un peu remaniée afin de présenter ce pour quoi le jeu a été créé, à savoir deux choses principales : les combats et l’importance des femmes sur le champ de bataille. À l’instar de Jeanne d’Arc, l’univers de Banner of the Maid introduit le concept de femmes puissantes ayant une espèce de pouvoir permettant de galvaniser les troupes, avec un esprit tactique évolué pour gagner coûte que coûte, l’Élue en quelque sorte.

La campagne se divise en plusieurs missions qu’il vous faudra obligatoirement gagner pour avancer. Entre chacune, les développeurs font avancer le scénario à l’aide de textes déroulant à la manière d’un visual novel, avec les portraits des personnages qui s’affichent et un encart en dessous avec leur dialogue. Il arrive de devoir faire des choix qui agissent sur des valeurs montant votre influence envers divers clans comme la royauté ou les Jacobins. Une fois une certaine valeur atteinte, des missions secondaires (optionnelles donc) vous sont proposées pour vous permettre de glaner encore plus d’argent et d’expérience.

En effet, en plus de devoir diriger vos troupes à la perfection, il faut penser à les faire évoluer en leur attribuant de nouvelles armes mais aussi de nouveaux pouvoirs, voire de nouvelles troupes plus puissantes si vous avez le niveau requis. Une fois que vos étapes de gestionnaire d’armée terminées, il faut rentrer sur le champ de bataille et ô surprise, nous sommes en territoire connu et conquis.

Baston !

Les cartes sont classiquement découpées en cases carrées avec de nombreux obstacles ou terrains aux propriétés spéciales. À tour de rôle, chaque équipe (vous et l’ordinateur qui contrôle l’ennemi) déplace ses pions sur cet échiquier géant et attaque quand elle le peut. Une fois toutes les actions épuisées, c’est au tour de l’adversaire, c’est aussi simple que cela. Mais comme il s’agit d’un jeu de stratégie, les mouvements, assauts, soins, pouvoirs, doivent être réalisés, utilisés au bon moment et avec intelligence. La première chose à se mettre en tête est le système basé sur un chifoumi à quatre éléments (les fusiliers plus forts que la cavalerie, ce genre de chose). Après il faut apprendre quelles sont les distances d’engagement (portée des armes, certains cavaliers deviennent plus forts s’ils ont parcouru une distance minimale, etc.), le terrain qui permet de diminuer les pourcentages de touche et tout un tas de paramètres qui s’ajoutent à chaque heure qui passe.

Les affrontements, comme dans Advance Wars, sont représentés par de petites animations montrant les deux bataillons en entier (seule une unité est présente sur la grande carte pour ne pas surcharger l’ensemble) qui se tirent dessus à tour de rôle (si vous vous faites attaquer et que vous avez les munitions et la distance, vous tirez aussi en phase de défense) et qui perdent des troupes en fonction des dégâts. Si les points de vie du bataillon tombent à zéro, il est naturellement retiré définitivement du combat. Cette alternance entre stratégie macro à l’échelle de la carte et micro à l’échelle de chaque unité apporte une certaine tension tout au long des missions. On se demande toujours quels personnages déplacer, où et quoi faire après. Attaquer en groupe un ennemi proche de la mort ? Contourner avec la rapide cavalerie pour détruire l’artillerie qui nous pilonne ? Certaines décisions sont cruciales et peuvent mener à votre perte plusieurs tours plus tard.

C’est quand on se triture les méninges à chacun de nos tours qu’on remarque qu’on tient un bon jeu de stratégie. Pendant une dizaine d’heures, j’ai pu avancer convenablement dans la campagne, lire en diagonale le scénario (franchement on peut zapper très souvent les dialogues qui ne mènent à rien) et m’adapter à chacune des nouvelles situations. Des personnages charismatiques et puissants apparaissent dans les deux camps et apportent un peu de fraîcheur quand on se dit qu’on fait toujours la même chose depuis un long moment. Puis apparaissent de nouvelles fonctionnalités comme la Bannière de la Pucelle (d’où le titre du jeu) offrant un avantage tactique très intéressant quand Pauline peut le lancer. On pourra cependant regretter une difficulté totalement ahurissante de certaines missions à cause d’éléments obligatoires et non contrôlables comme cette unité alliée dirigée par l’IA et qui se rue vers l’ennemi alors qu’il ne faut pas qu’elle meure sous peine de game over. Après deux ou trois heures, je n’ai toujours pas réussi, même en difficulté minimale (en gros elle permet de sauvegarder en plein milieu d’une bataille). À ce moment, j’ai compris qu’il me fallait faire certaines missions secondaires qui se lancent indéfiniment pour augmenter le niveau de mes troupes. Mais vous savez quoi, je déteste farmer l’expérience. Dommage je pensais tenir mon nouveau jeu de chevet qui vivrait de longs mois à mes côtés. Je vais le laisser de côté quelque temps avant d’y retourner, car j’ai vraiment passé de bons moments.

Banner of the Maid, malgré quelques missions à la difficulté bêtement trop haute, est ma surprise de ce début d'année 2020. Jamais je n'aurais pensé être autant à fond et admiratif d'un jeu vidéo venu de Chine, car malheureusement ce pays m'a habitué à des genres dont je me fiche éperdument. Avec son aspect tactique poussé à la Advance Wars, un modèle du genre selon moi, ses graphismes qui me plaisent beaucoup (même si on peut reprocher une certaine caractérisation de la femme, alors que Pauline ne l'est pas et est une femme très forte, deux poids, deux mesures…) et une réécriture intéressante et surprenante de la période post-Révolution, je me dois de vous dire d'y jeter un œil. Loin d'être parfait (avec une disponibilité sur notre eShop Switch français qui se fait attendre), Banner of the Maid devrait avoir un rayonnement plus grand et, peut-être, porter haut et fort la bannière des jeux chinois de haute qualité.

Zhykos

Zhykos

Touche à tout, mais toujours avec plusieurs mois de retard ; tellement de retard que mon PC n'a pas évolué depuis 2008 quand j'ai commencé à parler de jeux vidéo sur le net.

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Cibele

3 réflexions au sujet de “Banner of the Maid”

  1. Le point de départ de Banner of the Maid sonne comme une blague : c’est un jeu chinois sur une uchronie style révolution française dans laquelle certaines femmes ( mais que des femmes) ont des pouvoir « magiques » et s’en servent au combat… Et pourtant ce jeu vous fascinera probablement pendant un moment.
    Comme l’écrit Zhykos, le jeu propose une histoire intéressante et des mécanismes solides. La réflexion est primordiale pour réussir certaines missions mais le jeu propose aussi quelques « portes dérobées », des choix qui semblent parfois anodins ou un capacité spéciale d’une des unités, qui peuvent considérablement simplifier la mission ou permettre de réussir l’objectif secondaire.
    Le « farm » est présent mais pas absolument indispensable et le jeu vous empêche d’abuser de ce mécanisme en limitant l’obtention expérience si vos unités ont un niveau trop élevé. Banner of the Maid va régulièrement vous obliger à progresser dans l’histoire, à réfléchir (beaucoup) et à utiliser l’environnement, le jeu punissant parfois douloureusement la force brute. De plus, chaque unité a sa « personnalité » : un jeu quasi-unique de points d’attaque, défense, vitesse, commandement, esquive, reconnaissance et armure les rendant plus ou moins capable que d’autre unités du même type (D’éon est excellent pour esquiver les attaques dès le début du jeu, par exemple).
    La sexualisation des femmes dans le jeu est présente mais pas choquante : les personnages aux décolletés les plus plongeants étant également les personnages à la personnalité la plus affirmée et les plus « matures » ( Le général Rose de Beaumont, par exemple, à ce type de robe alors que des personnages plus jeunes, comme les amies de Pauline, ont un style plus » prude »).

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    • Merci Pierre pour ton message très intéressant et pertinent !
      Tu pointes certains points que j’avais plus ou moins volontairement mis de côté pour ne pas écrire un roman.
      Je suis content que tu aies également aimé ce jeu qui mérite amplement d’être mis en tête de gondole sur Steam.

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