Critique

Doom Eternal

Développeur : id Software – Éditeur : Bethesda Softworks – Date de Sortie : 20 mars 2020 – Prix : 59,99 €

C’est en 2016 que Doom nous est revenu d’entre les morts après avoir été mis de côté pendant de nombreuses années. Ce Doom nouvelle génération apportait dans sa besace tout un ensemble de nouveautés de gameplay, certaines plus controversées que d’autres, mais chacun s’accorda à reconnaître qu’aussi bien ses graphismes et son optimisation de folie, que sa musique signée par un Mick Gordon follement inventif, associés à une action musclée ne s’embarrassant pas des barrières habituelles des jeux de tir de ces dernières années, en avait fait un ovni dans le paysage des fps pouvant se révéler follement amusant. D’un défouloir notoire, on passe à Eternal, suite qui n’en est pas totalement une même si en apparence elle semble n’être que cela, alors qu’en profondeur, il ne s’agit plus vraiment du même jeu.

Doom cru 2020

Devant l’éternel, Doom se renouvelle plutôt que de se reposer sur les lauriers de ses plus proches prédécesseurs. Pourtant à première vue, il n’apparaît pas si différent que cela, l’illusion étant totale. Mais une fois dans le bain en difficulté cauchemardesque, on a tôt fait de changer d’avis. Structurellement, Doom Eternal n’est pas du tout du même tonneau que la cuvée 2016. Il a une saveur différente et beaucoup plus intense ; il est aussi beaucoup plus difficile. Il en déroutera très certainement quelques uns même si les premières sensations semblent toujours les mêmes. C’est en plongeant en profondeur dans ses mécaniques de jeu qu’on se rend compte qu’il est bel et bien différent.

Cette sensation aliénatrice est la même sur la forme. Eternal est également un monstre d’optimisation tout en prenant en considération qu’il offre en sus des espaces de jeu bien plus larges avec souvent un plus grand nombre d’ennemis en simultané à l’écran, et ce en apportant des décors magnifiquement détaillés. Sa direction artistique a pris cela dit un tout autre détour. Fini le côté encore sobre – finalement très proche des anciens Doom – de nos aventures sur Mars. De retour sur Terre, le Doomslayer fera face à des architectures gothiques ou celles plus modernes d’immeubles futuristes éventrés par les Enfers dans lesquels le feu et une matière organique démoniaque iront s’entremêler. 

Le style visuel de Doom Eternal est plus chargé qu’en 2016 affichant des couleurs nettement plus flashy avec des rouges et des pourpres pétants. Son esthétique est clairement plus tranchée qu’auparavant ce qui pourrait ne pas plaire à tout le monde. A bien des égards, on a parfois l’impression de se balader sur la couverture d’un album d’Iron Maiden. Il se transforme jusque dans son design sonore qui s’accompagne de sons parfois comiques comme celui d’un bouton de champagne sautant quand on afflige un démon de bas niveau d’un headshot bien calé entre ses deux oreilles. Une tonalité plus décalée s’en dégage, s’éloignant du ton plus sérieux de son prédécesseur pour mieux embrasser un style s’affirmant avec plaisir dans l’exagération de tous les instants.

Mick Gordon reste aux commandes d’une bande-son toujours excellente même si dans les faits, celle d’Eternal s’éloigne très clairement de la philosophie de Doom 2016. Lors d’une keynote à la GDC de 2017, Mick Gordon s’était exprimé sur le désir de id Software qu’il n’y ait aucune guitare dans la bande-son de leur jeu (entre autres choses). Il s’était alors exécuté en sortant de sa zone de confort en composant l’une des OST du jeu vidéo les plus pêchues et excitantes qui ait jamais été faite. Pour Eternal, autre changement de ton, on sent bien à travers ses nouvelles compositions que id Software, et par conséquent Mick Gordon, ont ouvert les vannes. Tout en conservant la patte musicale du jeu précédent, ce sont avec des riffs de guitares tantôt surexcités, tantôt lourds et pesants, qu’on nous transporte dans une aventure sonore percutante qui vient nous injecter une bonne dose d’adrénaline. Tant mieux par conséquent si en plus cette musique réussit si bien à coller à l’action, surtout quand tout part en vrille. 

Le Doomslayer n’est plus seulement un tueur de démons, il est devenu une rock-star.

A genoux devant l'Eternel

Doom Eternal est violent. Doom Eternal est énergique. Il ferait passer Doom 2016 pour un jeu du troisième âge. Pas seulement pour sa difficulté générale rehaussée, mais aussi et surtout pour le côté très épicé du challenge qu’il propose en comparaison. 

Le nombre d’ennemis présents en même temps à l’écran est souvent impressionnant. Le dynamisme de son action ne semble jamais vouloir s’interrompre. Doom Eternal peut être épuisant pour cette seule raison. Ce n’est pas du sport, même pas de la VR, et pourtant, il a de quoi faire suer. 

Il en découle de sa nouvelle philosophie de gameplay qui consiste à maintenir le joueur constamment en mouvement. Le level design en vient par ailleurs à se formaliser dans un tracé très linéaire. La pseudo-complexité avec laquelle le Doom de 2016 tentait de renouer semble oubliée ici. Les niveaux assez longs dans leur ensemble ressemblent plus à des courses de rally. Il y a bien quelques virages à l’occasion, des secrets – mal cachés – à découvrir, dans sa majeure partie Eternal reste en ligne presque droite.

Il s’embarrasse au passage pour tromper son monde sur sa linéarité évidente, de plateformes, plus nombreuses que jamais, dont l’objectif est avant tout de nous familiariser avec son action plus aérienne et mobile qu’elle ne l’a jamais été. Que l’on aime ou l’on n’aime pas ces plateformes à l’intérêt il est vrai limité, c’est une fois dans une arène qu’on comprend la nécessité de maîtriser le double-saut et la fonction de double-dash. 

Par arène, j’entends ces zones plus larges et ouvertes où vous attendront sans subtilité, une pelletée de démons à détruire. Ces passages de massacre en règle constituent à eux seuls la partie la plus intéressante de Doom Eternal, mais aussi le point de contention avec lequel certains joueurs de la première heure auront sans doute du mal. 

Il ne faut pas se leurrer, Eternal tranche dans le beurre et change certes en finesse la recette de Doom pour quelque chose de plus frénétique et surtout très différent, mais la change tout de même. Quelque part, on se rapproche plus d’un feeling à la Quake à sautiller et dasher de plateforme en plateforme, tout en passant d’une arme à l’autre. 

Id Software a voulu que leur public réfléchisse plus qu’à l’accoutumée et réfléchir il devra. Seulement ce sera à 200 km/h.

Diablo Eternal

Doom Eternal apporte donc dans ses cartons une toute nouvelle philosophie de jeu. Plutôt que de rester passif dans l’action à faire caca derrière un mur, il nous pousse à rester constamment en mouvement, à passer d’une arme à l’autre et à faire appel aux fameux gory kills. Si vous ne les aimiez pas auparavant, il y en a désormais plus. Celui de base vous permet toujours d’exécuter un ennemi de la simple pression d’un bouton quand celui-ci est dans les vapes, symbolisé à l’écran par sa mise en surbrillance. 

C’est le seul moyen fiable pour récupérer de la vie tant et si bien les ressources de soins trouvables au sol sont dispersées avec parcimonie. Un autre gory kill fait appel à la tronçonneuse dont l’usage est limité. Avec suffisamment d’essence, elle permettra de découper en deux certains démons de haut niveau, tandis que la plupart du temps, elle servira à découper du mob de base pour récupérer cette fois-ci des munitions ; alors que notre mini lance-flamme d’épaule permettra de faire sortir de nos ennemis des éclats d’armure comme s’ils étaient des piñata sur jambes.

Comme dans un action rpg, il faut penser vite et bien pour déterminer nos priorités. La diversité des démons en termes de types d’attaque nous y oblige de toute façon. Il existe ainsi plusieurs variétés de mobs/ennemis qui vous imposeront un ordre d’élimination. Les zombies de base aux déplacements lents et sans attaque peuvent être éviter et serviront principalement de chair à canon pour les gory kills et récupérer de la vie ou des munitions. Une seconde classe de trash mobs existe plus mobile et réactive, pouvant attaquer à distance comme des gargouilles ou des soldats de l’UAC zombifiés.

Reste les démons de haut-niveau qui n’ont eux-mêmes pas tous le même ordre de priorité en matière de danger. Certains seront un danger immédiat car ils vous poursuivront sans relâche avec des attaques de zones, d’autres le seront même à distance comme les Revenants et leurs horribles lance-roquettes. Il existe ainsi une hiérarchie du danger entre les démons qui nous imposera de leur offrir un ordre de passage pour les remercier d’un coup de canon dans la face. 

Aux joueurs d’apprendre leur point faible et de passer d’une arme à l’autre pour mieux les éliminer avec efficacité. Le fusil à plasma aura par exemple une efficacité redoutable contre les boucliers à énergie de certains démons. Le fusil d’assault ou heavy cannon sera redoutable avec son mods de visée sniper pour détruire d’une seule balle les lance-roquettes du Revenant par exemple. Tout est question de priorité et d’adaptation.

Et pour être sûr qu’on s’y tienne, nombre d’ennemis feront en sorte de nous maintenir sur le qui-vive, notamment le maraudeur. Ce dernier est redoutable d’efficacité. Véritable machine à tuer à lui tout seul, il se déplace vite, se téléporte même, sort son bouclier quand il le faut, peut attaquer au corps à corps comme à distance et dispose même d’une invocation canine pour l’aider. Le maraudeur résume à lui seul la philosophie de Doom Eternal : nous maintenir éveillé.

Il en ressort au final un jeu épuisant, dans le bon sens, mais aussi un brin rigide. Avec sa hiérarchie des dangers, l’obligation d’utiliser tout notre arsenal, il offre assez peu d’espace à notre créativité destructrice. Chaque affrontement ressemble dès lors plus à un puzzle à grande vitesse dans un mix improbable entre un Mario et Quake. C’est amusant, vif et rapide, très rapide même, mais également frustrant, voire redondant. C’est le risque de cette philosophie de jeu jusqu’au-boutiste. 

C’est pour cette raison que je ne saurai que vous conseillez de baisser la difficulté pour mieux l’apprécier. J’ai commencé en mode cauchemar et autant vous l’avouez, ce fut une fessée constante. Doom Eternal est bien plus exigeant et pour retrouver un peu de souffle tout en s’amusant, il ne faut pas hésiter à en baisser la difficulté.

Doom Eternal est une bonne surprise. Il tranche en finesse avec l'épisode de 2016 en apportant une logique de gameplay avec un challenge ardu qui nécessitera de son public à faire preuve d'une grande capacité de réaction et d'adaptation. Certains n'aimeront sans doute pas son approche plus arcade et rétro avec ses bonus cachés à débloquer et tout la ribambelle qui ira de pair, ni son changement de ton avec une histoire toujours passable qui part dans le grandiloquent théâtral mais surtout une direction artistique plus coloré et décalé. Doom Eternal est moins glauque qu'en 2016, comme pour souligner que le Doomslayer n'a peur de personne, même sans Harley Davidson.

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