Rapide Critique

Creaks

Développeur : Amanita Design – Éditeur : Amanita Design
Date de Sortie : 22 Juillet 2020 – Prix : 19,99 € ou Apple Arcade

Avec son nom qui croustille sous la dent, Creaks le dernier né de la boîte à rêves Amanita Design est une merveille de saveurs visuelles et sonorifiques. Dès nos premiers pas il nous interpelle entre son graphisme tel un dessin gribouillé, détaillé, comme fait au stylo noir vif et nerveux pour mieux mettre en exergue son petit monde. Et puis il y a le son, un design sonore aux effets multiples qui vient se greffer à cette patte artistique formant un ensemble très organique.

Comme le studio tchèque nous en a donné l’habitude, Creaks est lui aussi un petit bijou de bizarrerie cette fois-ci aux accents de cauchemar pour mieux nous berner et vers la magie nous emporter, dans un registre atmosphérique presque inédit pour ses développeurs. A l’image de son personnage principal, un jeune homme voûtant le dos comme s’il avait peur de sa propre ombre et qui finira par s’ouvrir à un monde de surprises. Il est dans un premier temps interpellé par une ampoule grésillante, puis finalement éclatante en mille morceaux. L’histoire voudra que son regard se porte dans le noir sur un pan de mur de sa chambrée, au papier-peint tout retourné, laissant place à une minuscule porte dérobée. Des années de jeu vidéo m’ayant formaté, j’avance tout bêtement dans ce conduit nouvellement dévoilé, pour atterrir quelques mètres plus loin dans un drôle d’ensemble immobilier. 

Le bâtiment est souterrain, perdu dans une immense grotte, fait de bric et surtout de brocs. Il témoigne d’une atmosphère grand-paternelle avec ses mobiliers usagés d’un autre âge, de tapisseries vieillottes et de tableaux d’un autre temps au style démodé. Le pas hésitant, notre bonhomme avance au gré de nos décisions dans un décors mi-inquiétant, mi-fascinant. Le plaisir visuel n’est pas seul tant ces lieux-céans regorgent de sonorités craquantes et clinquantes, de petits ponts qui suintent le bois vieillissant, de la poussière qui tombe du plafond au contact des grosses pattes d’une immense créature rôdant autour de cet immeuble brinquebalant. 

Creaks est une véritable aventure que l’on regrette une fois partie trop tôt au bout de sa dizaine d’heures. Il démarre pourtant calmement avec une proposition d’exploration sur rails, de haut en bas, de gauche à droite, dans un faux dédale de pièces d’appartement renfermant secrets et histoires. Ces histoires sont parfois en temps réel, tout d’abord de loin, se jouant dans le coin de l’œil de notre bonhomme, alors témoin d’un étrange peuple ovipare et à plumes s’affairant dans un langage murmuré à retrouver un livre semble-t-il important, ou à se battre contre la fameuse créature imposante précédemment citée. A d’autres moments, ces histoires se content sous la forme de peintures et de fresques animées par des mécanismes aux rouages grinçants, parfois même sous la forme de mini-jeux, témoins de ce qui semble-t-il, serait le passé d’un peuple savant et de culture, fasciné par les mystères du monde.

 C’est aussi un jeu de méninges, fait de puzzles redoutablement logiques et satisfaisants. Jamais, ô combien jamais Creaks ne m’est apparu tarabiscoté au point d’en souffrir. Tout au plus ai-je calé à quelques occasions sur un problème, la plupart du temps par ma faute cherchant la petite bête alors que la solution était souvent la plus simple. Le but de notre bonhomme est d’avancer le pas léger d’une échelle à l’autre pour poursuivre son exploration opportune. On ne connaît pas ses réelles motivations à part la curiosité – et la nôtre – mais comme il faut bien progresser, nous progresserons donc. Sur sa route se dresseront nombre d’obstacles, de chiens aux allures de robots de fer, de méduses des airs planant sans cesse dans une unique direction, de drôles d’individus suivant nos pas comme notre ombre, vêtus de leur imperméable, de chèvres apeurées et remontées qui nous fuiront à chacune de nos approches jusqu’à nous encorner si nous devions trop nous en approcher.

Ce bestiaire s’étend petit à petit de manière intelligente, enrichissant la complexité de ses puzzles en nous laissant le temps de digérer pas après pas chacune de ces nouvelles additions. Ces puzzles ressemblent au jeu du chat et de la souris, un jeu dans lequel il faut contourner et piéger la menace, soit pour l’éviter, soit pour qu’elle nous serve d’échappée belle, un monstre pouvant se transformer en mobilier de circonstance au contact de la lumière. Il faut donc se déplacer avec intelligence dans ces locaux sous forme de puzzles pour activer des leviers, pousser des objets, attirer les monstres au bon endroit, parfois dans un timing légèrement serré pour mieux les piéger et non pas se retrouver piégé. 

Tout cette mécanique ne marche qu’à la logique pure, et de la véritable cette fois, du moins cela le devient à partir du moment où on a compris comment tout fonctionne. Creaks est donc bel et bien un bijou aux allures de concerto qui ne fait pas dans la demi-mesure. La musique de l’écossais Joe Acheson développe ses notes enthousiasmantes avec grande délicatesse nous dessinant des ambiances qui viennent à merveille souligner le travail d’orfèvre de la direction artistique, un des piliers habituels des productions Amanita. Le plus surprenant encore est que cette musique se fait presque vivante et réactive à nos actions, des notes plus positives et guillerettes se faisant entendre subtilement quand on s’approche à grands pas de la solution d’une des nombreuses énigmes du jeu.

Creaks est ainsi ; un concert de sensations, de jolis décors aux allures de livre pour enfants qui lorgnerait du côté cauchemardesque des Grimm mais avec une fin chaleureuse. Ses côtés inquiétants et amusants sont idéalement appuyés par une musique et des effets sonores au poil formant un tout inoubliable qui nous donne envie de toujours plus, et ce même une fois sa conclusion atteinte. Un jeu de puzzles rondement huilé que voilà avec toute l’énergie positive et la verve artistique dont Amanita Design a su nous régaler depuis déjà bien des années. On en redemande.

Testé sur un iPad Mini 2020 avec une manette Xbox One.

Image de Vasquaal

Vasquaal

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