Critique

Kingdom Hearts : Melody of Memory

Développeur : indieszero – Éditeur : Square Enix – Date de Sortie : 14 novembre 2020 – Prix : 50 €

Grand défenseur de la franchise et élu de la grande communauté des gens « qui ont tout compris aux scénarios des gens à capuches dans le monde de Mickey », je suis aussi très amoureux des jeux de rythme. Du coup, quand on m’annonce un Kingdom Hearts musical par l’équipe des Theatrhythm de la Nintendo 3DS, je suis forcément tout jouasse et impatient de lancer le jeu. Et puis le soufflé est vite retombé.

Toute l’OST. Vraiment toute.

Porté par une énorme carte de 150 musiques des jeux Kingdom Hearts, Melody of Memory propose de lancer chaque piste de tous les jeux pour effectuer une petite valse des boutons de votre manette PlayStation, Xbox ou Switch mettant à mal une poignée d’ennemis apparaissant en rythme à l’écran. Le bouton Croix et deux gâchettes pour l’attaque de base, Triangle pour la magie et Rond pour sauter. Laissez appuyé Rond et vous planez, histoire de capturer quelques notes fixes. En sautant, vous pouvez aussi frapper, permettant à certains rythmes de gagner en difficulté. Évidemment, vous changerez les boutons en fonction de la plateforme jouée

Visuellement extrêmement daté, le jeu se permet de proposer des environnements directement repris des titres originaux. Pour être fidèles diront certains, pour gagner du temps selon moi. Car tout va dans le sens de l’économie de temps et de moyen dans un titre paresseux qui se joue vraiment de l’amour des fans pour la franchise. Comble du ridicule ? Kingdom Hearts III étant un épisode beaucoup trop beau, il se déroulera entièrement en cinématique. Problème : les cinématiques sont gourmandes et font ramer l’action. Vous devrez donc alors jouer « Let It Go » de la Reine des Neiges avec des frames en moins et des sautes d’image qui vous casseront le rythme. Ajoutez à cela que le dernier jeu n’a qu’une demi-dizaine de niveaux à son actif : pas de Pirate des Caraïbes à écouter, par exemple.

Si les créations originales de Yoko Shimomura sont évidemment de grande qualité et nous fascinent encore par la puissance amenée aux moments les plus scénarisés des jeux, il en est tout autrement de ces musiques de remplissage que sont les errances du monde d’Alice et de la Petite Sirène, les berceuses du monde du Roi Lion ou de Peter Pan. Ces musiques juste censées remplir le cahier des charges du A-RPG un peu bourrin sont à jouer entièrement, une par une. Et c’est un calvaire.

Pourquoi ne pas avoir créé de nouveaux remix ? Ou mieux encore, mélangé tous les titres d’un monde dans une seule piste bien découpée qui aurait permis une dynamique nouvelle et un feeling intéressant une fois la manette en main ? Là, on se coltine une cinquantaine de musiques à la limite du sympathique, qui nous rappellent souvent de mauvais souvenirs de Die & Retry (Pinocchio !). C’est là aussi extrêmement paresseux et ronflant. On s’ennuie vite, on enchaîne les musiques sans y trouver une once de magie ou si peu.

Un jeu paresseux

Malgré un mode Coopératif à deux manettes qui donne de très bons moments de partage musical, bien que les pistes soient très souvent diminuées de moitié dans ce mode (encore de l’économie au détriment du fun), Kingdom Hearts : Melody of Memory ne parvient absolument pas à maitriser son envie de faire plaisir aux fans. Il vous donne tous les vieux décors, toutes les musiques, et mélange tout cela avec le seul vrai travail notable du jeu : les lignes de rythme qui par ailleurs manquent souvent de logique dans leur construction, oubliant des notes, en rajoutant sans raison, détruisant aussi toute progression logique de difficulté tant le mode Expert sur une musique calme sera fatalement plus simple à jouer que le mode Normal sur une cinématique de Boss.

Proposant un craft amusant permettant de créer une demi-douzaine d’objets nous aidant à passer un bon moment (des potions pour donner plus de chance d’échouer en jeu, une apparition de Mickey pour encaisser quelques dégâts, etc.) et permettant de débloquer un paquet de trucs un peu inutiles (des cartes à collectionner, des artworks et ce genre de choses là encore facile à mettre en place), Kingdom Hearts : Melody of Memory avait fatalement tout pour plaire et se vautre dans la facilité, camouflée par un monde musical gigantesque mais dont on a retiré toute âme et sentiment. Voilà clairement, paradoxalement, le pire hommage que l’on pouvait faire à Yoko Shimomura. Comme Nomura ne perd pas le nord, le jeu contient une cinématique de fin faisant suite à Kingdom Hearts III et annonçant le prochain jeu avec quelques vraies révélations. Mais ne vous inquiétez pas : pour ça, Youtube vous ouvrira vite les portes.

Sorte de simili, voire de sans cœur, d’un Theatrhythm en 2D qui n’a jamais existé, laissant comme seul vestige ces petits personnages adorables qui avancent dans le néant pendant les temps de chargement, Kingdom Hearts relance les mêmes décors vieillots et les mêmes musiques sans contexte ni remix intéressant de jeux que l'on retrouve ici dans un melting-pot paresseux où tout n'est que déjà-vu, avec des ennemis à claquer dans un rythme pas souvent trépidant. Au final, on s'y ennuie bien trop vite, lassé de devoir relancer l'énième musique quelconque de combat d'un monde Disney qu'on a déjà bien trop eu du mal à supporter "en vrai". Voilà un jeu qui explique dans l'échec pourquoi il est important de soigner sa playlist. La quantité ne fait jamais la qualité.

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Skywilly

Rédacteur en chef collectionneur de Skylanders et qui passe beaucoup trop de temps sur ces briques Lego. Heureusement qu'il y a des petits jeux pour s'évader ! Auteur de Le jeu vidéo indépendant en 2015 : Portraits de créateurs

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