Critique

SIFU

Howler
Publié le 5 mars 2022

Développeur

SLOCLAP

Éditeur

SLOCLAP

Date de Sortie

8 février 2022

Prix de lancement

39,99€

Testé sur

PC

La moindre des choses qu’on peut dire sur les parisiens de Sloclap, c’est qu’ils aiment la bagarre, notamment les arts martiaux. Avec Absolver en 2017, ces derniers s’étaient déjà fait une petite place dans les outsiders, avec un concept assez novateur, consistant à vous faire apprendre, modifier et perfectionner un art martial, le tout dans une ambiance dépaysante et mystérieuse, remplie de mecs masqués. Cinq années plus tard, ils décident de remettre une tartine de gifles dans le paysage vidéoludique avec SIFU, un beat them all très inspiré par les actionners hongkongais et les films d’arts martiaux des années 90. C’est sorti le 8 février sur PC, PS4 et PS5, et on a décidé de prendre notre temps pour vous en parler longuement.

Maitre Sifu-dyas

Ce temps était nécessaire. Déjà parce que nous n’avons pas eu la chance de l’avoir en avance, mais surtout, parce qu’il y a plein de choses à dire. Rassurez-vous tout de même, je ne vais pas vous sortir un dossier de 14 pages (je pourrais), je vais tenter d’être le plus clair et concis possible. Avant tout, faisons un petit tour du propriétaire. Comme dit plus haut, SIFU est un beat them all, avec des principes assez simples : on avance, on tombe sur une zone ennemie, coup fort, coup faible, combo, parade, esquive, on nettoie tout et on avance. Mais sa petite particularité, c’est l’intégration du Die & Retry au sein de l’univers, vu que notre pugiliste (dont vous pouvez choisir le genre) est membre d’une famille mythique capable de déjouer la mort et se relèvera aussitôt mis à terre. Pendant cette résurrection, vous pourrez dépenser quelques points d’expérience afin d’apprendre de nouvelles techniques, et cet apprentissage se matérialisera sur votre personnage au travers d’un vieillissement avancé. Plus vous mourrez, plus vous vieillirez vite et certaines capacités ou améliorations de totems finiront par vous être indisponibles et disparaitront dès le moment où votre charme brisera sa dernière pièce d’or (ce qui sera le signe de votre mort définitive). Cependant, en échange de beaucoup d’expérience, vous pouvez les apprendre définitivement et les avoir à chaque nouvelle partie. Ce n’est pas un Rogue like, mais il en a quelques vapeurs.

Il existe cinq niveaux au travers desquels vous allez partir en quête de vengeance contre ceux qui ont tué votre grand père ainsi que vous (ou du moins, ils ont essayé une fois). À la manière d’un metroid-vania, ces niveaux pourront être parcourus bien plus facilement au fur et à mesure que votre enquête sur les méchants avance. Vous trouverez une carte d’accès, des clés, un code de porte etc. La structure du jeu fait que vous allez forcément vouloir refaire des niveaux, que ce soit pour farmer de l’XP afin d’avoir des techniques déverrouillées, ou simplement faire une run plus optimisée afin d’arriver au niveau suivant à la fleur de l’âge et pas à celui de la retraite. Ce dernier ne définit pas seulement votre expérience du combat, il augmente aussi vos dégâts au détriment de votre vie maximum, autant vous dire que quand vous enchainez les morts, les 55 ans arrivent vite et on devient aussi fragile qu’une feuille en automne, mais plus puissant qu’un sanglier.

Jet li-sation du jeu vidéo

Est-ce que vous connaissez Rise to Honour ? Mais si, le jeu vidéo avec Jet Li, développé par un studio en interne de Sony et sorti en 2004 sur PS2. Un Beat them all tout ce qu’il y a de plus bas du front, dans une production bien trop grande pour son bien. C’était le début de la motion capture dans le milieu et il faut le dire, c’était pas très bien. Mais je l’avoue, je garde son souvenir dans mon petit cœur, je l’observe avec beaucoup de nostalgie et je me rappelle que vraiment, c’était la classe de contrôler Jet Li, et d’envoyer un bon paquet de tatanes dans les gencives de la mafia hong kongaise, et ça, seulement avec des joysticks. Pour le minot de 12 ans que j’étais, c’était incroyable. Mais si j’en parle, c’est parce qu’en février 2021, lors de la première annonce du jeu, j’ai directement repensé à Rise to Honour, me disant que ça y est, Sloclap allait fournir une version digérée et maitrisée, où on deviendrait un vrai maitre du Kung Fu avec les doigts.

Si vous avez un peu suivi les réseaux sociaux, vous le savez, SIFU est dur. Il relance, évidemment, le problème de la difficulté et de l’accessibilité dans un jeu, à tel point que les développeurs vont intégrer un mode facile et un mode très difficile, une décision qui fait grincer les dents des G@m3rz, défenseurs de la vision de développeurs quand ça les arrange. Ici, on est plutôt défenseurs de « les dévs font ce qu’ils veulent, et s’adapter à leur public pour rendre le jeu accessible, c’est globalement une bonne chose ». D’autant que je trouve SIFU difficile surtout car ils peinent à nous expliquer correctement comment fonctionne leur jeu : le tuto est assez expéditif (mais très bien intégré) et il faut retenir plusieurs choses importantes, parfois expliquées dans un coin de menu. Les ennemis sont souvent plusieurs et n’hésitent pas à attaquer dans un angle mort de la caméra et tous en même temps. En duel, on est plus sur une lecture de mouvement, avec l’obligation de voir et retenir les patterns des ennemis pour parer les coups ou en filer un au bon moment. Une similarité avec un certain Sekiro, notamment par la présence d’une jauge de structure, qui définira le temps avant que votre garde (ou celle des adversaire) cède.

Aya Na-camera

On sent d’ailleurs que ce dernier a énormément inspiré Sloclap, il subsiste la même tension lors des duel, à ceci près qu’il gère beaucoup moins bien la caméra dans les endroits exigus : celle-ci va régulièrement venir se plaquer sur le sommet du crâne de votre personnage, réduisant drastiquement toute chance de survie en combat. Fort heureusement, afin d’économiser de la jauge de structure, vous pouvez exécuter des esquives, qui demandent d’orienter le stick de mouvement pendant la parade, en fonction de la direction du coup. Parade comme esquive, tout ceci demande un timing très précis et les fenêtres de manœuvres sont plus souvent des hublots. De plus, j’ai eu beaucoup de mal à intégrer que, pour esquiver un coup vers le bas, il fallait pousser le joystick vers le haut, alors que ça me semble totalement logique quand je l’écris. Le cerveau est plein de mystères.

Cette difficulté tient à cœur aux développeurs, il y a d’ailleurs des messages d’alertes sur le sujet qui sont répétés régulièrement quand on lance le jeu. Ils souhaitent qu’on sache dans quoi on met les sandales. Cette volonté, elle vient de l’envie de donner aux joueurs la sensation de maitrise totale d’un art martial afin de nous faire sentir comme un descendant de Jackie Chan, avec de vraies références à ses chorégraphies et sa manière de combattre, très axée sur l’environnement et les coups secs et multiples. Il y a un vrai flow qui a été travaillé à l’écran pour qu’on ait la sensation de vivre un film hongkongais de l’époque. Les actions contextuelles, quand votre ennemi n’a plus de structure, sont exécutées en fonction de l’environnement, avec des jeux de caméra et une cohérence de mouvements assez exemplaire. Des moments d’harmonie divine peuvent souvent se déclencher quand on maitrise parfaitement une situation, surtout lorsqu’on débloque la technique pour pouvoir pousser toutes formes d’objet avec son pied, offrant une multitude d’options pour occuper le terrain, éloigner les ennemis belliqueux et offrir une fluidité de mouvements incomparable.

Pour couronner le tout, le jeu se tape une direction artistique assez monumentale. Les cinq niveaux nous font visiter des classiques du genre, du vieux quartier mal famé en passant par un club underground ou même carrément la salle d’expo d’un musée d’art moderne (avec plusieurs outils à disposition). Les textures et les shaders donnent un effet « peint à la main » de toute beauté et sauront d’autant plus se démarquer au moment où les artistes ont décidé d’oublier le cohérent et de partir dans des environnements fantastiques. Le tout est sublimé par un travail musical remarquable, alliant sonorité traditionnelle chinoise et musique électronique (je ne me remets toujours pas de la musique de la première scène du club).

J’adore SIFU. Je l’aime autant qu’il me déteste, je passe un temps fou à optimiser mes runs pour être la meilleure boite à gifles du quartier. Le jeu arrive très régulièrement à nous faire aller dans la « zone », ce moment de parfaite maitrise où tout s’enchaine si bien qu’on pense à un script. Mais, tel le maître qui corrige l’élève, le jeu nous rappelle régulièrement à l’ordre, avec des ennemis hargneux et sans pitié, des duels souvent haletants et une caméra complètement aux fraises, avec laquelle on doit faire au mieux. Un beat them all qui restera dans les mémoires des années plus tard malgré sa difficulté moins bien maitrisée que ce qu’a pu faire From Software.

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