Des briques et des lettres.
Critique
Star Ocean The Divine Force
Développeur
Tri-Ace
Éditeur
Square Enix
Date de Sortie
27 octobre 2022
Prix de lancement
60 €
Testé sur
PC
Alors que la saga Star Ocean se trouve bien implantée dans la galaxie du jeu de rôle japonais depuis le milieu des années 90, ce n’est pas lui faire déshonneur que de constater qu’elle se montre dans le dur depuis au moins deux opus. La faute à un manque de moyens criant, ainsi qu’à un désintérêt progressif de Square Enix pour son ancienne série phare. Pas de quoi décourager Tri-Ace qui lance vaillamment une sixième itération de son space opera, dans l’indifférence générale. Pourtant, malgré un premier contact éprouvant lié à une esthétique plus que douteuse, ce Star Ocean : The Divine Force dispose de quelques arguments capables d’offrir une expérience plaisante, à défaut de nous faire effleurer les astres.
DANSE AVEC LES STARS
Que ceux qui pensent avoir fait un bond de dix ans dans le passé se rassurent, Star Ocean : Divine Force est juste fichtrement moche. Entre des textures qu’il ne vaut mieux pas regarder à la loupe sous peine de fracture de la rétine, et un character design au mieux fade, au pire de mauvais goût, on peut dire que les artistes de chez Tri-Ace n’ont pas été pris d’une épiphanie créatrice au moment de déployer leur vision. Mais le plus gênant reste le traitement des visages des protagonistes qui nous plongent en pleine vallée de l’étrange, avec leur animation inexistante et leur grain de peau semblable à une poupée de cire. Pourtant, quelques panoramas permettent d’entrevoir le potentiel du studio japonais. On pense à ces instants où le plafond étoilé apparaît dans le ciel, et qui nous rappellent que nous évoluons bel et bien dans un univers de science-fiction.
L’aspect futuriste de Star Ocean s’érige telle la moelle épinière de la saga. Comme dans la plupart de ses épisodes, on assiste à la découverte d’une planète à la technologie primitive par une civilisation plus avancée. Dans le cas de Divine Force, il s’agit du monde médiéval d’Aster IV qui est l’heureux élu, tandis qu’une guerre latente trouble ses terres verdoyantes. Avant le début de l’aventure, vous aurez le choix entre le contrôle de deux protagonistes : le capitaine Lawrence, dont le vaisseau s’écrase sur ce globe inconnu et qui doit partir à la recherche de son équipage ; ainsi que la princesse Laeticia, tombant sur l’épave alors qu’elle est en mission secrète — vêtue de ses atours royaux, mais passons — pour sauver son peuple. Bien entendu, les destinées des deux larrons vont s’entrecroiser pour ne finir par former qu’une trame unique, aux ramifications bien plus étendues que prévu.
Si le choix du personnage principal détermine le point de vue par lequel on vit les événements, rares seront les courageux qui se farciront une seconde fois l’épopée galactique. Déjà parce que seules quelques saynètes diffèrent d’un run à l’autre, mais surtout à cause d’une narration aussi poussive qu’une course d’escargots. Il faut dire que celle-ci n’est pas aidée par une mise en scène réduite à sa plus simple expression, ne se contentant que d’enchaîner les champs-contrechamps qui appuient sur l’absence d’audace de Tri-Ace dans ce domaine. Dommage, car si le scénario de ce The Divine Force se laisse suivre malgré son classicisme, une scénographie plus dynamique aurait pu compenser son manque de fulgurance.
Mortal Kombat
Là où Star Ocean accroche avant tout, c’est grâce au fignolage de son système d’affrontements. On sent ici tout le savoir-faire du studio japonais, qui peut s’appuyer sur l’expérience glanée au fur et à mesure des opus précédents. Entre les cris de vos compagnons — mettez le jeu en japonais, la version anglaise manque vraiment de reliefs —, les étincelles émanant de vos armes, et cette manière d’enchaîner les assauts tonitruants, on retrouve bien cette nervosité jouissive si caractéristique de la saga. Dans ce Divine Force, c’est jusqu’à quatre combattants qui peuvent participer aux empoignades musclées face à un bestiaire assez varié. En plus de la magie, on peut utiliser trois types d’attaques physiques — plus ou moins puissantes et plus ou moins rapides — qui peuvent s’organiser en combos dévastateurs. Sauf qu’il ne sera pas question de taper à corps perdu sur notre manette pour fracasser les méchants qui en veulent à notre peau, puisque chaque coup use un point d’action, et lorsque ces derniers descendent à zéro notre protagoniste doit se reposer quelques secondes avant de pouvoir retourner à la castagne. Il faudra donc user intelligemment de chaque mouvement et esquive. Une technicité bienvenue dans un jeu qui se serait autrement enfermé dans une répétitivité éperdue.
Toutefois, la vraie innovation de Divine Force vient d’un compagnon robotique sur lequel notre bande met la main en début d’aventure. Le D.U.M.A — c’est son nom — est une sorte de drone doué de parole et qui flotte en permanence dans les airs. En combat, il peut attraper nos protagonistes pour qu’ils effectuent des attaques éclair : entendez par là qu’ils bondissent d’un antagoniste à un autre sans toucher sol, tout en distribuant les beignes. Contre les boss, généralement de plus grande envergure que la piétaille de base, le D.U.M.A peut balancer nos héros jusqu’à leur point faible, pas forcément accessible si l’on reste les pieds cimentés au sol. Autant dire qu’en plus d’apporter de la pêche aux escarmouches, notre automate dispose d’une réelle utilité stratégique.
D.U.M.A Impérial
Mais le D.U.M.A n’est pas seulement commode pour foudroyer la myriade de monstres qui peuplent l’univers d’Aster IV : il se révèle aussi indispensable pour en explorer ses terres. Nous offrir un monde ouvert favorable à la randonnée, c’est là l’autre grande nouveauté de la saga. Si le concept n’est pas autant poussé que dans un Xenoblade — on se heurte très vite à des murs invisibles qui frustrent notre soif d’argonaute en herbe —, reste que l’ajout se montre agréable. Le D.U.M.A peut ainsi scanner l’environnement pour nous indiquer quelques trésors cachés, et nous permet de franchir, grâce à l’attaque éclair, de nombreux obstacles entravant autrement notre progression.
S’il est sympathique de gambader dans la pampa d’Aster IV, difficile d’en dire autant lorsqu’on découvre ses villes et villages, malgré un habillage moyenâgeux pas désagréable. On retrouve ici la rigidité déjà évoquée de Divine Force, avec des bourgades sans vie, une majorité de PNJs avec lesquels il est impossible d’interagir, et beaucoup de maisons vides. Face à ces maladresses, l’impression d’un travail bâclé de la part de Tri-Ace — faute de temps ? — se fait tenace. Pour finir, un mot sur les missions secondaires que certains citoyens en détresse n’hésiteront pas à nous confier, et qui seront généralement dénuées de toute profondeur. Quelle peine en 2022 de rencontrer un amas de quêtes Fedex, alors que le monde s’effondre autour de nous.
Non, The Divine Force n’est pas l’épisode qui permettra à Star Ocean d’effectuer son retour sur le devant de la scène du jeu de rôle japonais. La saga chère au studio Tri-Ace reste desservie par une réalisation digne d’un stagiaire des métiers du cinéma, et une technique rappelant plus l’ère de la Ps3 que celle des dernières générations de consoles. Il n’empêche que ce Divine Force fait preuve d’une désuétude presque touchante, dans sa manière de tenter beaucoup avec bien peu. Puis, pour ceux qui sauront être tolérants envers ses défauts, ils pourront s’adonner au doux loisir de la bagarre, grâce à une formule punchy qui a déjà montré son efficacité par le passé. Une direction artistique en papier mâché, mais un gameplay en béton armé, finalement, ce n’est pas si mal.