Une petite page sur le petit page
Preview / Aperçu
Alterium Shift
Développeur
DrassRay et Mottzy
Éditeur
Gravity Games Arise
Date de Sortie Prévue
Année 2024
Version Testée
Accès anticipé (environ 50% du contenu final disponible)
Testé sur
PC
Comme tant d’autres avant lui, Alterium Shift se lance dans le délicat exercice de l’hommage aux jeux de rôle japonais des 90’s. Chrono Trigger, Final Fantasy, Secret of Mana, voilà les quelques légendes qui ont donné l’envie à DrassRay et Mottzy de collaborer pour leur première production. Néanmoins, on le sait, s’abandonner au name-dropping n’équivaut pas à une garantie de qualité. Une assertion vérifiée avec cet accès anticipé d’Alterium Shift, qui aura bien du mal à combler ses lacunes d’ici à sa sortie définitive.
Des débuts poussifs…
Dans le monde d’Alteria, humains et elfes noirs se sont livrés, il y a peu, une guerre sans merci et… c’est tout. Oui, le scénario de Alterium Shift pourrait tenir sur un ticket de métro. Bien sûr, pour se donner des airs plus profonds, il y aura des histoires de magie séculaire, de passages entre deux dimensions, de méchants pas si méchants. Mais malgré cela, les joueurs auront bien du mal à s’engager dans les tenants et aboutissants de cet univers moyenâgeux, la faute à un folklore à peine effleuré. L’impression que nos développeurs ont décidé de mettre une ville ici, un village là, un donjon par ici, sans réfléchir à la cohérence de leur monde. Tout manque de liant, de naturel, et nous voilà en train d’arpenter une coquille creuse qui jamais ne prend vie.
Le début de l’aventure illustre parfaitement les lacunes d’Alterium Shift. Après avoir choisi notre protagoniste parmi trois jouables, nous voilà parachuté dans un dojo dirigé par un vétéran du nom de Dolion, situé dans le hameau de Summiton, sans vraiment savoir ce que l’on fiche ici. À part nous mettre quelques baffes, notre mentor ne nous apprend rien, et les PNJs se contentent d’éructer de vaines banalités. Il faut donc s’échiner à fouiner dans les bouquins d’une bibliothèque poussiéreuse — on peut d’ailleurs très bien passer à côté —, pour glaner quelques maigres informations sur l’univers qui nous entoure. Les débuts sont poussifs — traduction : on s’emmerde — et une envie irrépressible de lâcher le clavier au bout de deux heures de jeu nous harcèle sans vergogne.
Pourtant, DrassRay et Mottzy nourrissaient une vraie ambition scénaristique pour leur première collaboration : selon le protagoniste choisi, le fil de l’épopée n’est pas tout à fait le même et la tonalité change un peu. Ainsi, la lancière Pyra devra lutter contre son arrogance sans limite, l’archer Atlas se dévalorise constamment et Sage fait étalage d’un ego surdimensionné. Si le jeu n’est pas dénué d’humour — les bouffonneries de Sage peuvent arracher quelques sourires —, là encore, les relations entre les personnages restent superficielles, et l’on peine à s’attacher à eux. Alterium Shift manque de figures charismatiques sur lesquelles il pourrait se reposer. Quant aux antagonistes… si l’on excepte quelques bandits creux et un assassin muet, ils sont tout simplement aux abonnés absents.
… et une fin encore plus poussive
Au-delà des écueils narratifs, Alterium Shift ne dévoile pas de plus beaux atours lorsqu’on se laisse aller à la baston. Le titre indépendant adopte la forme d’un JRPG tout à fait lambda, avec des escarmouches au tour par tour, quelques attaques spéciales et du mana, rien de plus. D’une manière générale, on règle notre affaire en martelant nos magies les plus puissantes, sans réfléchir à une quelconque stratégie. Et pour peu que l’on se sente en difficulté, il suffit de prendre deux niveaux et les ennemis ne nous feront alors plus un seul point de dégât — un souci d’équilibrage qui pourrait se résoudre facilement, on en convient.
Là où Alterium Shift agace, c’est lorsqu’on arpente les contrées sauvages du monde d’Alteria. On regrette déjà l’audace de le lâcher en accès anticipé sans l’implémentation d’une minimap. L’exploration d’environnements ouverts devient par conséquent éreintante, tandis que le titre abuse des fausses routes et des culs-de-sac. Mais surtout, ce souci (qui sera réglé dans le futur) met en exergue la répétitivité des paysages. En effet, dès lors que l’on s’échappe des villes, tous les tableaux se ressemblent, et la faiblesse artistique impacte directement l’ergonomie du jeu. Pourtant, le pixel-art vaguement mignon fait le travail quand on pose nos yeux dessus pour la première fois. On ressent tout de suite les vibrations des JRPG planqués dans nos vieux cartons. C’est par la suite que les choses se corsent, avec l’étalage d’un univers générique au possible et une créativité minimale.
Finalement, ce que l’on retiendra de positif de ce Alterium Shift reste la possibilité amusante de passer de la dimension des humains à celle des elfes noirs, qui pourrait dévoiler tout son potentiel lors de sa sortie définitive. Ainsi que la musique composée par Jonathan Shaw, rythmée et efficace. C’est peu, nous en avons bien conscience.
Ouch… DrassRay et Mottzy vont avoir du pain sur la planche pour que leur première collaboration devienne une réussite. S’ils ont déjà annoncé l’ajout de plusieurs fonctionnalités qui amélioreront l’ergonomie d’Alterium Shift — une minimap, un bestiaire —, ainsi qu’un retravail du système de combat, en l’état réduit à sa plus simple expression, il sera en revanche plus compliqué de rattraper la sauce sur les autres écueils qui fâchent. Le mapping, médiocre d’un point de vue artistique et globalement mal foutu, esquintant le plaisir de l’exploration. Mais surtout, la construction même de son univers, qui manque d’âme et d’idées. Le monde d’Alteria semble n’avoir rien à raconter, avec ses protagonistes peu charismatiques et ses antagonistes inexistants. L’écriture souffre d’une profonde lacune d’inspiration, enchaînant les (rares) événements scénaristiques de manière abrupte, que l’on finit par suivre d’un œil morne et désintéressé. Enfin, nous aurions pu évoquer plus longuement les quêtes secondaires — plates et sans originalité — et les quelques failles techniques — avec notamment des ralentissements inexpliqués. Une conclusion qui fait office de sanction sévère, toujours un crève-cœur lorsqu’il s’agit d’un jeu indépendant.