Critique

Ready or Not

Howler
Publié le 13 février 2024

Développeur

VOID Interactive

Éditeur

VOID Interactive​

Date de Sortie

13 décembre 2023

Prix de lancement

49,99€

Testé sur

PC

Me voilà bien embêté. C’est quelque chose que je ne cache pas forcément, mais je ne le crie pas non plus sur tous les toits. Il est temps pour moi de faire mon coming out, de manière très officielle : j’aime bien les FPS de simulation militaire. Je ne m’enfile pas non plus un rail d’Arma III tous les jours — je ne l’ai même jamais touché, trop effrayé de devoir appuyer sur 5 boutons pour simplement me coucher dans l’herbe — mais j’avoue que, très tôt, j’ai eu un penchant pour un certain S.W.A.T et autre Ghost Recon. Ce n’est pas tellement l’excitation de jouer un militaire ou une force d’intervention qui me séduit, mais plus le côté exigeant de la chose : les informations sont le plus souvent intradiégétiques, il ne faut pas tirer sur tout ce qui bouge, la course se limite à une petite foulée, etc. Tout l’inverse des FPS arcade, que j’aime tout autant, mais qui ne procurent clairement pas les mêmes sensations, ni la même immersion. Après m’être essayé à Hell Let Loose, Insurgency et Zero Hour, j’ai voulu m’attaquer au gros morceau du genre sorti cette fin d’année 2023 : Ready or Not, un successeur spirituel à S.W.A.T 4 (le plus célèbre opus), premier titre développé par VOID interactive. Ce que je ne savais pas, c’est que le gameplay ne serait pas le truc le plus difficile à traiter ici.

Psychiatre de la crime

Si on vous parle du S.W.A.T, deux choses peuvent directement arriver en tête : soit vous regardez trop Twitch, et vous pensez à tous ces streamers qui se font swatter (ne faites pas ça, par pitié). Soit, vous pensez au cinéma et tout le fantasme qui découle de cette entité. Elle intervient très régulièrement comme un outil de résolution, presque comme un Deus Ex Machina : ils arrivent en camion, font leur boulot, la plupart du temps sans bavure, les méchants sont arrêtés et tout va bien. Un outil efficace qui, il faut le dire, marche particulièrement dans le contexte du jeu vidéo. Car dans Ready or Not, vous n’êtes pas un instrument scénaristique, mais plutôt une troupe d’acteurs au centre d’une crise politique et sociale. Votre brigade intervient aux quatre coins des États-Unis pour suivre la piste d’un trafic d’êtres humains complexe. Un scénario clairement loin de la réalité des interventions du SWAT, ce qui rajoute un fumet nauséabond, seulement trois ans après l’affaire George Floyd (et tout un tas d’autres cas similaires avant et après). Il est à noter que, dans le commissariat (le HUB du jeu), il y a des panneaux un peu partout avec écrit « Police Officers are NOT above the law » et ce genre de choses. Un ajout bienvenu, surement fait quelque temps avant le passage en 1.0 en lien avec les différents retours sur l’early access, mais qui ressemble tout de même au message d’avertissement qu’on donne aux enfants de ne pas manger la colle.

Mais prenons une pause et parlons un peu gameplay. Si vous avez déjà joué à la licence S.W.A.T, vous devez globalement savoir de quoi on parle. Le jeu se compose d’une douzaine de missions, toutes différentes par le lieu et les situations, passant du RAID, à la prise d’otage ou encore aux tueries de masse. Des situations pas toujours joyeuses, parfois même un peu angoissantes, il faut avoir le cœur un peu accroché. Votre but, que vous soyez seul avec des IA ou entre ami·e·s, sera toujours de sauver les civils — comprendre « leur mettre les menottes »—, arrêter les suspects (avec des menottes ou du plomb dans l’aile) et, occasionnellement, sécuriser des objectifs particuliers (pièces à conviction, otages, cible à ne pas tuer, etc.). Les situations doivent être appréhendées souvent par rapport au briefing, qui vous donnera des infos sur l’origine des suspects. Alors, pas ethnique (heureusement), mais plutôt sur le contexte social : est-ce que ce sont des personnes sous l’emprise de drogues, des anciens militaires, ou des voleurs à la petite semaine, par exemple ? Ceci permettra de déduire le type de résistance à laquelle vous ferez face et donc, choisir son équipement et sa stratégie. Une approche intéressante qui aide largement à l’immersion et la pratique de simulation. Cependant, il y a la théorie et y a la pratique. Le hic avec moi, c’est que je n’ai aucune formation militaire ni psychologique, et que même si je me doute qu’un type chargé au PCP aura moins tendance à m’écouter quand je lui hurle dessus de se mettre à terre, je pars tout autant du principe que le voleur de station essence n’a surement lui aussi rien à perdre. Mais par-dessus tout, après quelques missions, l’IA générale prend rapidement du courage sous forme de stéroïdes, rendant tout très difficile. On se retrouve étonnamment en face de cultistes « Midsommarien » se comportant comme des joueurs pro de CS GO sous cocaïne-redbull, à faire des headshots décalés à travers les murs, tout en se torchant des « HANDS UP ! » et autres balles dans les genoux.

Qu'il en SWAT ainsi

Cette IA, pourtant très satisfaisante au début par sa faculté à nous surprendre, devient rapidement notre pire cauchemar, avec des réactions quelque peu hasardeuses, et souvent à contre-sens de ce qu’elle devrait faire dans un jeu qui nous demande de ne faire aucune mort. Les tirs dans les pieds n’ont que très peu d’impact, les balles à tête creuse font l’effet de paintball sur les ennemis en chemise, et les Flashballs ont tendance à tuer facilement leurs cibles (de quoi vérifier que oui, avoir une distance de 10m, ce n’était pas si déconnant). Sur toute cette atmosphère angoissante du suspect imprévisible se greffe une ambiance pesante dans les différents lieux d’intervention. Je dis ça d’un prisme très positif pour le coup, il y a quelque chose très propre aux jeux d’horreur, avec un travail de level design et de lumière tout à fait remarquable. Tout ceci est sublimé d’un savoir-faire du silence glaçant, jusqu’à tomber sur une personne. Est-ce un civil ou un suspect ? Il va falloir garder la tête froide pour ne pas tirer dans tous les sens, dans un sursaut de surprise. Pour le reste, le jeu se cantonne largement à ce que font les grands noms du genre : un rythme très lent et tendu, des munitions limitées, des équipements à utiliser avec minutie et des erreurs qui ne pardonnent pas du tout. Il y a tout de même la possibilité d’être un peu plus dans l’action, tant que vous connaissez les lieux comme votre poche, et que vous ne partez qu’avec un kevlar et un fusil à pompe (mais c’est clairement un autre niveau de jeu, là).

À chacune de ces missions, toujours le même double sentiment : d’abord une douce excitation de l’inconnu, surtout que les PNJ ont un emplacement aléatoire sur la carte, avec toujours la ferme intention de résoudre une situation pacifiquement, sans faire de bobo. Très rapidement, on se rend compte que les suspects s’en foutent de tout et la majorité d’entre eux vont essayer de vous faire le coup du pétard dans la manche au moment de se faire appréhender, ou même feindre la mort. Le message des développeurs vient alors nous percuter la tempe très rapidement, car ils n’ont qu’une chose à dire dans Ready or Not : être flic, c’est pas facile. Mais par ce biais, ils ont rendu l’IA déraisonnablement hasardeuse, en limitant largement nos possibilités d’appréhension pacifiste et en forçant le trait avec des scénarios cauchemardesques. Je n’y vois qu’un coup contre son camp et une occasion manquée de participer au débat sur la place des forces de l’ordre dans notre société. Au mieux, ça dessert le propos des pro-cops, car ça sous-entend que les arguments ne peuvent être compris que par le prisme de la fiction. Au pire, ça donne juste l’impression d’une propagande plutôt moche et peu subtile. Il est d’ailleurs « intéressant » de voir que le développement du jeu a été entaché de tout un tas de scandales liés à de l' »humour » raciste/offensant, parfois venu tout droit de 4chan, que le studio a dû régulièrement expliquer, excuser et supprimer (surement une des nombreuses causes qui explique la perte de la publication par Team 17). Ambiance.

Je disais au début de ce texte que j’avais un peu honte d’aimer les simulations militaires, la faute en grande partie à une communauté forte dont je ne partage clairement pas les avis politiques (il n’y a qu’à voir les réponses quand des joueurs.euses demandent des personnages féminins jouables). Ready or Not n’échappe évidemment pas à la règle. C’est d’autant plus dommage que, si je mets de côté tout le message politique, et ce qui en découle, bah, j’aime bien le jeu, ne serait-ce que pour son gamefeel. Les joueurs comme moi, qui alternent console et PC, savent à quel point le PC manque cruellement de retour physique sur le toucher. Les vibrations, le motion gaming et maintenant des gâchettes adaptatives : le jeu vidéo sur console est devenu ce qui se fait de mieux en termes de sensations. Sur PC, on n’a rien de tout ça, et ça rend certaines sensations plutôt fades par moment. Ready or Not a l’un des meilleurs gamefeel du genre. En plus d’un affichage graphique plutôt impressionnant, les vibrations sont très correctement dosées à l’écran quand on tire, auxquelles se rajoutent les mouvements de tête, le body awarness, la qualité de la spatialisation du son ou même la caméra spectateur au travers de la caméra de casque, etc. Tous ces détails font que l’immersion est d’une facilité déconcertante et qu’on arrive à ressentir avec autre chose que les mains.

Ready or Not provoque en moi des sentiments contradictoires. J’ai, en face de moi, un jeu aux sensations impressionnantes qui me donnent régulièrement envie de plonger dedans à corps perdu. Puis soudain, le piège me pète à la gueule, suivi d’un coup de bélier, tant au niveau de son message que des choix de game design qui en découlent. Étant donné la situation, il est assez difficile pour moi de vous conseiller le jeu, malgré la bonne volonté des développeurs d’éponger les problèmes, il subsiste des éléments qui m’attrapent régulièrement par le col et me sortent totalement du truc. Et je ne vois pas comment de futures mises à jour pourront régler ça.

WHAT THE BAT?

Vivre avec des battes à la place des mains

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