SELECTION GSS

Dragon's Dogma 2

Howler
Publié le 18 mai 2024

Développeur

CAPCOM

Éditeur

CAPCOM

Date de Sortie

22 mars 2024

Prix de lancement

64,99€ - 74,99€

Testé sur

PC

Depuis que Capcom a trouvé le bon filon en retapant l’intégralité de leur catalogue pour leur donner un coup de frais bien mérité (ainsi qu’un DRM et des microtransactions), le confort pourrait facilement amener à la paresse, en se contentant de simplement mettre un coup de polish à des vieux jeux. En toute transparence, c’était ce que j’avais en tête quand j’ai vu l’annonce de Dragon’s Dogma 2. D’ailleurs, je m’en serais largement contenté étant donné l’amour que j’ai pour le premier, je ne rêvais que de voir ce concept, mais avec plus d’argent et de liberté. Surtout que, entre les problèmes liés aux limitations techniques et Capcom qui ne souhaitait pas mettre trop de budget dans une nouvelle licence, Hideaki Itsuno et son équipe ont dû tailler dans le lard, pour que le jeu puisse être totalement validé. Mon souhait est maintenant exaucé et c’est avec une excitation toute particulière que j’ai cliqué sur « JOUER » .

RIEN DE NEUF À L'ARISEN​

Si vous ne connaissez pas (et n’avez pas été la cible du lobbying incessant de NostalGeek sur le sujet), Dragon’s Dogma est un Action-RPG, piochant allégrement dans du RPG occidental comme japonais. Son hybridité s’accompagne de tout un tas de problèmes que vous imaginez probablement déjà : interface peu racoleuse, des dialogues pas très bien écrits ni mis en scène et un entre deux qui peut faire fuir les fans des deux genres. Je vous l’accorde, pour un premier contact, on peut faire mieux, mais ça représente assez bien la licence : austère. Pourtant, après une création de personnage plus que complète (et importante pour votre partie, puisque même la taille pourra définir si vous pouvez passer dans certains passages secrets), on se sent prêt à se jeter dans cet univers impitoyable, qui n’appelle qu’à l’exploration. Cependant, il faut savoir où on met ses bottes : ici, pas de marqueurs de quêtes sur l’écran (et ceux sur la carte sont imprécis) ni de boussole, les voyages rapides sont limités par une ressource, la gestion de votre inventaire est une partie intégrante du temps de jeu et le temps qui s’écoule à un impact sur les missions et les ressources. Une proposition clairement pas adaptée à tout le monde, déjà affirmée dans le premier épisode. C’est un jeu qui repose beaucoup sur son exploration et l’apprentissage du terrain par le joueur et, heureusement, c’est quelque chose qu’on arrive à bien mieux appréhender de nos jours (merci Dark Souls et Breath of the Wild), mais il me semble important de le signaler.

Si vous avez réussi à passer les cinq premières heures, alors peut-être que vous comprendrez pourquoi on vous bassine tous avec cette licence. Car, sous son épaisse carapace, se cache surtout un jeu bourré de bonnes idées qui, certes, ont été fortement reprises du premier dans ce deuxième épisode mais, étant donné l’impopularité de licence, elles méritaient largement d’être resservies sous un nouveau jour. Il faut savoir que Hideaki Itsuno, c’est son petit bébé, et qu’avant d’y mettre toute son âme, il a notamment sauvé travaillé en urgence sur Devil May Cry 2 (ouch), puis, avant de plancher sur DD2, il a aussi dirigé l’équipe sur Devil May Cry V. Cette expérience sur l’un des plus gros beat’em all du paysage ajoute un point positif à Dragon’s Dogma, qu’on ne retrouve que dans très peu de A-RPG populaires : les combats sont incroyablement bons. Ils sont simplistes dans leurs mécaniques (on tape avec une touche, et on a 4 capacités spéciales à choisir parmi une dizaine) avec une approche totalement différente suivant la classe (que l’on peut changer à tout moment). On a un feeling de puissance assez rapidement, surtout avec des classes au corps à corps, et les animations très travaillées font qu’il est toujours plaisant de faire de la bagarre (et heureusement parce qu’il y en a beaucoup). La vraie complexité se jouera plutôt dans la gestion d’endurance, celle-ci vous permettra de courir, lancer des compétences, porter/lancer des choses (vivantes ou non) mais aussi de grimper sur le dos de vos ennemis.

Arisen Ford

Le clin d’œil à Shadow of the Colossus est l’un des gimmicks les plus connus de la licence, chaque ennemi faisant plus de trois mètres aura la possibilité d’être agrippé pour pouvoir atteindre des points faibles (qu’il faudra découvrir). Une mécanique qui est bien plus maitrisée dans ce deuxième épisode et ajoutera un côté organique à toutes vos rencontres. Vous avez probablement vu passer des moments d’anthologie, énormément repartagés sur internet, de personnes créant un pont avec un cyclope ou s’envoler avec un griffon en pleins combat. On sent évidemment que ce sont les grosses idées qu’ont eues en tête les développeurs, mais le jeu arrive tout de même à créer des interactions entre les joueurs et les ennemis qui semblent naturelles comme ces harpies qui vont vous enlever vos alliés pour les porter au loin (et au même titre que vous pourrez vous accrocher à elles avec un saut bien placé).

Cette organicité, elle est aussi énormément intégrée par les Pions, des compagnons contrôlés par l’IA du jeu. Au début de votre partie, vous pourrez personnaliser votre Pion, de son apparence jusqu’à son caractère, sa classe et son attitude sur le champ de bataille. Vous aurez aussi la possibilité d’en rajouter 2 à votre groupe via une pierre de faille et, plot twist, ce sont les pions créés par les autres joueurs. Cette version asynchrone du multijoueur pourrait sembler être qu’une petite mécanique rigolote pour utiliser les compagnons des copains. Cependant, ce sont de vrais partenaires d’aventure qui engrangeront des connaissances lors de leurs périples et pourront les restituer à leurs maîtres. Par exemple, si l’un d’entre vous engage Uisdean, mon fidèle pion Léonin guerrier (une sorte de gros chat en armure), et que pendant votre périple, vous tombez sur un Cyclope. C’est peut-être votre première fois, mais Uisdean, il en mange aux p’tits déj des cyclopes, il va donc vous glisser un petit tips pour correctement attaquer cet ennemi et viser ses points faibles. Mieux encore, je lui ai équipé une compétence lui permettant de propulser les joueurs dans les airs, afin de tomber directement au niveau de sa tête et lui taper directement dans l’œil (not in a good way).

Archimonarque et compagnie

C’est un exemple parmi une multitude de choses que vos pions vont pouvoir faire dans votre aventure. Ils parlent beaucoup, parfois pour simplement rappeler au joueur qu’il n’est pas seul, mais depuis le premier épisode, on sent que Itsuno voulait que ces compagnons ne soient pas juste du bétail qu’on envoie au casse-pipe pour tanker les dégâts à notre place. Ils interagissent avec le joueur de manière très naturelle (en allant même jusqu’à rajouter un petit check de la main après un rude combat) et ils vous rattraperont si vous tombez de haut (et vous aussi pouvez faire de même). S’ils connaissent la quête, ils pourront vous montrer le chemin et vont même vous supplier que vous les chargiez comme des mules avec tout ce que vous ramassez (plus votre sac est lourd, plus vos mouvements sont lents et ont de l’inertie). Ce sont avant tout des pions — comprenez par là des esclaves et le jeu parle beaucoup de ce sujet — aux ordres de votre personnage, aussi nommé l’Insurgé (ou Arisen en anglais). Ils n’existent que pour vous servir et feront tout ce qui est en leur pouvoir pour le faire au mieux (ça se ressent à chaque instant). Si je mets de côté les moments où ils tombent bêtement lors d’une phase d’escalade un peu dangereuse (merci la commande « stop » d’exister), je ne crois pas avoir pesté une seule fois contre eux, comme j’ai pourtant l’habitude de le faire avec des PNJ toujours au milieu et qui ne t’aident que via des scripts.

Tout le long du jeu, je n’ai pas cessé de me répéter la même chose : c’est bizarre que Capcom ait autorisé de refaire stricto-sensu une suite sans jamais changer la vision globale, en n’apportant aucun recul à son état d’il y a plus de dix ans, simplement l’aboutissement final de la vision original de Itsuno, couplé à une histoire de faux Insurgé qui prend la place d’Archimonarque du royaume (nous ronpichâme). C’était avant que j’arrive à la fin du jeu, et pour pouvoir étayer un certain propos, j’ai besoin de divulgâcher. Le prochain paragraphe sera donc caché pour éviter tout désagrément. Si vous souhaitez faire le jeu (surtout si tout mon baratin depuis le début vous a séduit), vous pouvez passer outre, et on en reparlera le moment venu.

Spoiler
Lors de tout mon gameplay, je me suis régulièrement plain des archétypes présents dans le jeu. Des personnages fonctions, en passant par les prophéties, les méchants, les complots, etc. Il se trouve que l’univers politique du jeu repose sur le Dogme des Dragons (oui, vous savez, le nom du jeu), c’est-à-dire qu’un dragon affronte constamment les hommes et femmes du royaume, jusqu’à ce qu’un·e courageux·se sorte du lot. Après le vol de son cœur par ledit dragon, la personne deviendra un·e Insurgé·e immortel·le. Pour récupérer son cœur et son humanité, l’insurgé doit affronter le Dragon dans un combat jusqu’à la victoire, ce qui le désignera comme Archimonarque du Royaume par le Dogme. Peut-être que c’est encore trop frais dans ma tête, mais ça me renvoie directement aux Bene Geserit de DUNE, où toute la politique galactique est définie par un groupe d’individus (qui ont remplacé les Bigoudens et les robes longues par des écailles et des ailes). Ça fait aussi une référence au cliché des RPG et du monomythe, où tout est orchestré pour ne tourner qu’autour du héros, tout ne fonctionne qu’avec lui et tout est fait pour aller avec ses compétences. Il faut savoir que, lorsqu’on commence le jeu, l’écran titre marque bien, en très gros « Dragon’s Dogma », en omettant le 2. Sur le coup, je me suis simplement dit que c’était là un aveu des devs de faire un reboot du premier épisode, appuyant au passage l’effet « produit final ». Si j’en crois l’étendue de la presse écrite que j’ai pu consulter, c’est visiblement la conclusion donnée par beaucoup (surement contraint par les délais).

C’était sans compter sur la fin « cachée » qui nous demande de nous suicider à l’aide d’un artefact important dans l’histoire. Ce n’est pas ce qu’a prévu l’univers pour l’Insurgé, car sous son air de maître des pions, notre personnage n’est que le serviteur d’une entité supérieure et observatrice. La boucle est brisée, ceci provoque un chaos total. Il ouvre une brèche sur un monde encore jamais vu, où règne la désolation et soudain : « Dragon’s Dogma 2 » apparait à l’écran. Un éclair de génie auquel je ne m’attendais pas, qui, encore maintenant, me donne des frissons. Je me dois de saluer Hideaki Itsuno et son équipe, qui continue d’empiler des choix pas simples pour rendre sa licence inoubliable. Cacher sa vraie fin, c’est forcément prendre le risque qu’une bonne partie de ton public passe totalement à côté (17.8% des joueurs sur Steam à l’heure où ces lignes sont écrites) et heureusement qu’on est à une époque où internet existe et que les secrets sont rarements cachés longtemps. Surtout que, une fois le cycle brisé, beaucoup de défauts sont « expliqués ». Tout était là pour mettre en place un destin qui se répète en boucle, qui ne peut fonctionner qu’au travers d’un décor pré-établis aux limites visibles, que ce soit par la mer infranchissable ou encore le scénario limité. Ceci créé une sorte de cadre familier pour le joueur, qui va se sentir comme dans n’importe quel autre RPG classique et dont les moins curieux s’arrêteront au premier mur invisible. Une fois le mur de verre brisé, c’est une nouvelle vue avec une perspective différente qui s’offre aux indiscrets.

Attention, évitons tout de même de glisser les problèmes sous le tapis sous couvert de choix artistiques, car Dragon’s Dogma 2 en regorge un bon paquet, souvent difficiles à pardonner. Entre ses indéniables allers-retours, la gestion du poids de l’équipement assez irritante, ou encore ce système de sauvegarde unique qui, avant l’arrivée d’un patch, empêchait même de créer une nouvelle partie, aucune pirouette ne justifie de telles maladresses. Le ponpon de la farce restera l’état technique dans lequel il est sorti et reste encore actuellement problématique, que ce soit sur console ou PC, beaucoup de joueurs ne peuvent pas correctement profiter du jeu. Bien au-delà des problèmes cités plus haut, c’est bien celui-ci le plus bloquant, qui m’empêche, pour le moment, de recommander le jeu autre part que sur PS5 et Xbox Series X, la version PC ayant du mal même à tourner sur des configs à 2500€ (ça va un peu mieux depuis) à cause des DRM/anti-cheat présents et la version Series S nous donne la sensation d’être astigmate.

Que dire de plus ? Mon texte était déjà suffisamment long, et il est compliqué pour moi de comprimer toutes ces pensées en très peu de caractères. Je n’arrêterai jamais de promouvoir cette licence, tant je la trouve importante et unique dans le paysage de l’action-RPG, c’est pourquoi je lui donne sa Séléction GSS, sans sourciller. Ne reste qu’une mise en garde obligatoire au vu de sa proposition qui ne plaira certainement pas à tout le monde (et c’est ok). Si ce qui vous plait dans un RPG, c’est l’exploration et l’expérimentation, Dragon’s Dogma 2 sera sûrement votre prochaine friandise. Vous pouvez même rajouter un point bonus si vous voulez incarner un chat anthropomorphe.

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