En 2010, avec Amnesia : The Dark Descent, Frictionnal Games avait frappé un grand coup en renouvelant le genre du survival horror avec un certain brio. La principale originalité était alors que le personnage que vous dirigiez n’avait aucun moyen de se défendre. Le succès fut au rendez-vous prouvant que l’horreur avait toujours un public. Pour ce nouvel épisode on retrouve thechineseroom aux commandes, plus connu pour avoir fait Dear Esther. La charge qui leur incombe est lourde, car l’attente derrière est grande. Alors, arriveront-ils à nous faire peur ?
Ça a l’odeur d’un Amnesia…
L’histoire cette fois-ci prend place à l’aube du 20ème siècle, en 1899 pour être exact, et vous met dans la peau d’Oswald Mandus, un riche industriel londonien tout juste revenu d’une expédition au Mexique, alors qu’il se réveille fiévreux et avec une perte de mémoire conséquente. Son seul objectif, et le vôtre, est alors de retrouver ses deux fils. C’est ainsi que démarre votre descente aux enfers…
Plus un épisode à part dans le même univers qu’une véritable suite, A Machine For Pigs reprend certains éléments de gameplay de The Dark Descent, et s’affranchit du reste. Exit la gestion de la santé physique et mentale de votre personnage ; désormais, ce dernier ne sera plus handicapé par le fait d’être dans le noir ou bien effrayé par le moindre son. Et si vous veniez à prendre des coups, il vous suffira de vous mettre à l’abri de tous dangers le temps de quelques secondes afin de récupérer votre vie. Il ne sera donc plus utile d’explorer le moindre recoin afin de trouver de l’amadou pour allumer torches ou bougies, ou du laudanum pour vous soigner. La lanterne est toujours présente et forcément utile, car A Machine For Pigs est plongé dans les ténèbres, et il n’y a aucun besoin de la recharger en huile cette fois-ci.
Et si l’inventaire disparaît, les énigmes sont toujours là. Relativement simples et logiques, elles ne poseront pas de problème particulier et s’inscrivent dans une progression fluide du jeu. Bien évidemment, sans l’inventaire, le transport des objets nécessaires à la résolution de ces énigmes aurait pu s’avérer fastidieux. De ce côté là, le jeu fait bien les choses, et il faudra rarement se balader dans tout un niveau avec un objet dans les mains. En général, les distances à parcourir sont courtes.
De The Dark Descent, A Machine For Pigs ne garde que l’essentiel de ce qui fait le gameplay d’un Amnesia, à savoir avancer en sachant que le danger rôde et que vous êtes faible et sans arme pour vous défendre. Le seul moyen qui vous reste pour y survivre étant de se cacher en espérant de ne pas être vu, ou bien de fuir vers la sortie la plus proche. Le jeu est composé de niveaux où chacun d’entre eux est séparé par un temps de chargement. La structure de ces niveaux est globalement linéaire, mais propose par moment un système de hubs avec différents chemins, souvent dans l’intérêt de résoudre une énigme vous permettant ainsi de débloquer une porte donnant sur le niveau suivant.
Descente aux Enfers programmée
Cette linéarité n’est pour autant pas gênante. S’il est évident que l’on parcourt un chemin tout tracé, la progression est fluide, correctement rythmée la plupart du temps et arrive à ne pas faire ressentir l’ennui pour peu que vous rentriez dans le jeu. Certains crieront au scandale sur le fait que thechineseroom ait abandonné les éléments de gameplay du premier Amnesia qui en faisait un survival horror plus classique, avec entre autres sa gestion de la santé. L’optique ici est pourtant en accord avec la philosophie de Frictionnal. On peut voir l’absence de gestion de l’inventaire comme étant un moyen radical mais justifié d’éviter d’embrouiller l’esprit du joueur avec du superflu qui pourrait le détourner de l’expérience narrative recherchée par thechineseroom.
Ici, tout objet important avec lequel vous pouvez interagir ne sert qu’un seul but : vous faire progresser dans l’histoire, une histoire qui repose sur le présent et le passé, notamment au travers de lettres à découvrir, disséminées ça et là dans les niveaux que vous explorerez. Tour à tour, le jeu prend des allures d’un Bioshock sans pouvoirs qui aurait décidé de faire dans l’horreur plutôt que dans le shooter générique, ou d’un Silent Hill pour l’aspect émotionnel. Les thématiques abordées sont fortes, et vont de la place de l’homme dans un monde où la machine semble vouloir prendre sa place, et celle plus intime d’un père à la recherche de ses enfants.
Sur le plan technique, le moteur accuse malheureusement son âge. Cependant, si certaines textures sont assez moyennes, le travail fournit au niveau de la direction artistique rattrape le coup. A Machine For Pigs se passe principalement dans le noir, et dans ce subtil jeu du clair-obscur, il s’en sort admirablement, distillant ça et là quelques notes lumineuses participant à créer une ambiance bien à lui. Les décors sont variés et vont d’un manoir à une usine, en passant par une église ou bien des égouts, et, chose inédite pour Amnesia, il y a quelques passages en extérieur dans les rues de Londres. Plus on avance et plus on s’enfonce dans les profondeurs de souterrains crasseux et faits de machines infernales.
Fin du 19ème siècle oblige, l’esthétique est fortement inspirée par la révolution industrielle. Si le début du jeu démarre dans une étrange demeure, très vite on se retrouve projeté dans un dédale d’usines, enveloppé dans toute une machinerie complexe animée par la vapeur. Pompes, fours à charbon, pistons, tuyaux, l’univers de ce jeu tourne autour de la vapeur et du métal. Toute cette imagerie de la machinerie des « temps modernes » se retrouve renforcée par l’excellent travail effectué sur le son qui souligne à merveille ce qui s’affiche à l’écran.
On n’oubliera pas la musique de Jessica Curry qui avait déjà œuvré sur Dear Esther. Le côté métallique du jeu s’y ressent très fortement, avec des sons graves, appuyant la lourdeur de l’ambiance, et d’autres très aigus comme pour signifier la présence du danger. La chanson Mors Praematura résume à elle seul le côté macabre du jeu. Et sachez que vous serez accueilli dès l’écran titre par un morceau des plus sinistre. Définitivement un des points forts du jeu.
Tout est bon dans le cochon
De par ces choix réussis en terme d’esthétique visuelle comme sonore, A Machine For Pigs réussi à créer une ambiance lourde et propice à nous faire peur. Plus que le danger que représente les créatures grotesques que vous rencontrerez, votre premier ennemi est votre propre imagination. La moindre ombre ou le moindre son sont sujets à vous faire bondir.
Il est pourtant difficile de dire si A Machine For Pigs fera peur à tout le monde. La peur est quelque chose de très personnel. Mais tout y contribue, que cela soit les décors, les créatures de l’ombre, ou la bande sonore. thechineseroom a indéniablement réussi à créer une atmosphère incroyable. Je mentirai si je disais que je n’ai pas eu peur. Certains passages particulièrement atroces m’ont donné des sueurs froides dans le dos. Mais encore une fois, la peur est quelque chose de très subjectif. Le jeu est relativement court. Il ne m’aura fallu que cinq petites heures pour le terminer, en sachant que j’ai pris le temps d’avancer le plus discrètement possible. La fin se précipite un peu plus, et nous plonge dans le grotesque de cet univers.
A Machine For Pigs mise clairement plus sur la narration que sur les mécaniques classiques d’un survival horror. Certains ne verront pas cela d’un bon œil d’autant que le jeu n’est pas très dur. Néanmoins, le joueur qui en fera abstraction aura l’occasion de plonger dans un cauchemar des plus savoureux. Si ce jeu ne réinvente rien, il fait les choses correctement et offre une belle dose d’horreur dans une forme narrative et interactive simple mais efficace avec un brin de poésie.
Good Work Bro !
Keep it up.
Bon j’ai bien fait de prendre Outlast en fait.
Merci pour le test!