Farpoint

Annoncé comme l’exclusivité triple A du Playstation VR, Farpoint avait produit son petit effet lors de l’E3 2016. Alors, que vaut ce FPS en réalité virtuelle exclusif à la machine de Sony ?


Blockbuster Playstation VR

Le Playstation VR est sorti depuis 8 mois maintenant, et si le catalogue de jeux disponibles n’a pas à rougir (pas loin d’une centaine à présent), force est de constater que les triple A, les grosses productions, ne se bousculent pas au portillon. Mis à part Resident Evil VII, pas du tout exclusif et à la réalité virtuelle optionnelle, on ne trouve pas de jeu éligible dans la catégorie blockbuster pour le casque VR de la PS4 (ce qui ne signifie évidemment pas qu’on n’y trouve pas de titres de grande qualité). Pour remédier à cela, Sony édite donc Farpoint, développé par Impulse Gear, qui se présente comme un FPS en réalité virtuelle. Pas un rail shooter ou un jeu de dogfight : un véritable FPS classique.

L’introduction du jeu, de par sa mise en scène, annonce d’ailleurs d’emblée les ambitions du titre. Farpoint s’ouvre sur un écran noir. Puis une lucarne apparaît ; une vidéo 2D est jouée sur un petit écran. On y voit deux scientifiques en combinaison d’astronaute, qui racontent l’objet de leur mission spatiale près de Jupiter. Petit à petit, l’écran se rapproche, grandit. Bientôt, il emplit presque le champ de vision du joueur. L’image change alors : on bascule sur une caméra extérieure à la station spatiale, qui montre des images de l’espace, cette fois-ci en 3D. Une transition s’opère alors pour placer le joueur aux commandes d’un vaisseau : ça y est, le voilà au cœur de la réalité virtuelle. Ecran, 2D, 3D, VR. En quelques minutes, Farpoint a mis en scène l’évolution technologique de l’image 2D vers l’immersion totale, annonçant par là ses intentions : le monde a changé, les technologies ont changé, le FPS va changer.



FPS classique

Alors, le FPS a-t-il changé ? Et bien en fait… oui et non. Soyons honnête : c’est plutôt non que oui, mais Farpoint a des éléments à faire valoir, alors ne partez pas trop vite. Néanmoins, il faut bien reconnaître que le jeu est classique : le scénario, basique quoique que reposant sur une idée intéressante, sert principalement de carotte et à ménager des temps de pause entre deux fusillades. Rien d’extravagant, même si c’est efficace en termes de rythme : on souffle un peu, on en apprend plus sur les scientifiques que l’on recherche, perdu sur cette étrange planète aride infestée de formes de vie hostiles, et on repart au combat.

Farpoint est un FPS en couloirs, où l’on ne revient jamais sur ses pas. D’abord parce que ça n’a aucun intérêt : l’histoire se trouve au-devant du joueur, jamais derrière. Mais aussi et surtout parce que le personnage ne saute pas, et qu’on passe régulièrement dans une nouvelle zone en franchissant une sorte de rebord qu’il ne sera plus jamais possible de franchir à nouveau en sens inverse. Ce genre de mécanique semble appartenir à un autre âge, mais il ne faut pas oublier que la VR est gourmande en ressource ; le titre se ménage ainsi des zones de jeu qu’il n’a plus besoin de garder en mémoire. De même on pourra se sentir parfois déçu de la qualité graphique, pas toujours riche, parfois floue, malgré certains panoramas véritablement impressionnant et jolis. Là encore, il faut faire avec les capacités de la machine. Globalement, la construction du jeu et ses visuels n’ont donc pas grande chose de novateur, et le level design est du même acabit : les zones d’arène sont clairement identifiables dès qu’on les aperçoit, et l’apparition des ennemis ne surprend donc pas.



Du classique, mais des sensations nouvelles

Dans la construction, Farpoint ne se démarque donc pas spécialement, et le jeu opte pour de l’action arcade classique plutôt que pour des mécaniques novatrices ; on n’est pas devant un Half-Life ou un Bioshock. Pour autant, le jeu de Impulse Gear a évidemment un atout de poids : l’immersion VR. D’abord, bien sûr, il y a les décors. Si l’on peut déplorer un certain vide dans la première partie du jeu, force est de constater qu’être dans le jeu, ça change quand même la donne. Les formations lytiques impressionnantes, le ciel immense au-dessus de soi, les débris de la station spatiale… Farpoint impose ses séquences contemplatives, sans avoir besoin d’en faire trop : la réalité virtuelle se charge de rendre l’ensemble impressionnant. Et puis il y a les ennemis, plus vrais que nature. Certains sont de belle taille, et leur charge fait son petit effet. Inutile de dire que lorsque se dresse devant nous un boss de taille gargantuesque, alors que le protagoniste s’exclame « oh la vache ! »… on s’exclame de même.

Mais la VR n’est pas qu’affaire de visuel : elle impacte également le gameplay. Il y a bien sûr la question du déplacement et du motion sickness, question incontournable dès qu’on porte un casque VR. Chose rare, Farpoint propose de se déplacer avec des rotations analogiques classiques, alors que la plupart des jeux VR optent pour des rotations cran par cran, afin de limiter les malaises liés aux mouvements. Chacun ressent les choses différemment, mais pour ma part j’ai trouvé que les environnements ouverts, permettant de fixer son regard sur des points relativement éloignés, permettaient d’éviter les désagréments que l’on rencontre parfois. Aussi n’ai-je pas rencontré de soucis de ce côté (mais peut-être cela vient-il également d’une forme d’habitude).



Quoi qu’il en soit, le point le plus intéressant et novateur que propose Farpoint, en matière de gameplay, est la visée. Dans les FPS « normaux », un curseur fait office de viseur, et on se débrouille avec ; ou bien on appuie sur un bouton qui permet de mettre en joue, et cela revient en fait au même, avec un champ de vision restreint. Ici, VR oblige, pour viser il suffit d’aligner son œil au viseur de l’arme, en faisant le mouvement. C’est enfantin, et pourtant la sensation est tout à fait nouvelle. La visée façon Duck Hunt est enfin dépassée, puisqu’il n’y a plus de séparation entre l’œil, le viseur et la cible ; tous se trouvent dans le même univers. Il en résulte un aspect véritablement grisant, même à la manette (Farpoint est jouable avec le nouvel accessoire Aim Controller, sorte de fusil de plastique, mais nous n’avons malheureusement pas pu tester ce dernier). Une bonne partie du jeu ne nécessite d’ailleurs pas de viser réellement : en suivant la trajectoire des tirs, on se débrouille bien au jugé, gardant les phases de visée pour les moments où il faut atteindre des cibles lointaines. Les combats sont réellement haletants et dynamiques,  et prennent une nouvelle dimension. Toutefois il faut signaler quelques soucis : au bout d’un moment, lorsqu’apparaissent des ennemis un peu plus véloces, la visée devient essentielle, et l’on se heurte à quelques imprécisions gênantes, que le Aim Controller corrige peut-être. Il arrive également que la manette se décale un peu par rapport à la caméra, ce qui complique encore l’affaire. L’on peut alors se retrouver à pester alors qu’on perd la vie dans un combat ardu parce que ce satané viseur ne s’aligne pas bien. Ca n’empêche pas d’aller au bout du jeu, mais c’est un peu irritant.


Impulse Gear a-t-il réussi son pari ? Pas tout à fait : Farpoint renouvelle l’expérience FPS, mais le fait en s’appuyant sur des construction déjà dépassées. Le titre remplit néanmoins son rôle de gros jeu du Playstation VR. S’il ne révolutionne rien, s’il sera probablement oublié rapidement, il ouvre la voie à une nouvelle génération de FPS, et laisse entrevoir les merveilles à notre portée si les développeurs décident de s’investir vraiment. Les sensations sont nouvelles et fonctionnent, les joutent prennent une dimension jusque-là inconnue, et globalement le jeu se parcoure avec plaisir. Voilà qui est encourageant pour la suite.

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