Les Chevaliers de Baphomet 5

Je me rappelle encore de ma première expérience avec  »Les Chevaliers de Baphomet » ; il s’agissait de ma toute première fois avec un jeu d’aventure de type point and click, et en plus c’était sur Playstation. Que voulez-vous ? Je n’avais pas de pc et seulement une console et des jeux à emprunter aux potes de mon quartier.

Les temps de chargement étaient par moment longuets, et si je m’y suis habitué, c’est surtout la croix de direction extrêmement rigide de la psone qui m’a mis au supplice. Pour autant, ce premier contact avec les Broken Sword (titre original) est celui qui me donnera l’amour de ce genre bien à part. Et rien que pour cela, je le classe aisément dans mes moments vidéoludiques les plus marquants. Alors forcément, quand Charles Cecil, nous demanda, à nous les fans, de l’aider à financer la cinquième des aventures de George Stobbart, il ne m’aura pas fallu longtemps avant que je ne lui jette mon argent au visage en exultant de joie.

La Malédiction du Serpent

Paris, de nos jours. Durant un vernissage, Nico et George se retrouvent le temps d’une coupe de champagne. Cette légèreté de l’instant présent ne durera pourtant pas bien longtemps. Les bonnes vieilles habitudes sont tenaces tout comme la mort s’accrochant inexorablement aux basques de notre américain préféré. Un malandrin fait irruption et ruine l’ambiance en volant une vieille croûte, au premier abord d’apparence quelconque, excepté pour le propriétaire de la galerie qui le paiera de sa vie en voulant s’interposer. Un mort. Paris. Nico. Un mystère à résoudre. On dirait bien que tous les ingrédients sont réunis pour faire de ce Chevaliers de Baphomet un bon cru.

Sauf que cette fois-ci George a une bonne raison de se mêler de ce qui ne le regarde pas. Fini l’américain en vacances qui s’ennuie un peu trop. Car il faut bien payer ses factures, notre héros travaille désormais pour une compagnie d’assurance qui ne lâchera pas le morceau tant que la vérité – et si possible la faute qui pourrait leur éviter de payer – ne sera pas révélée. Comme dans les précédents volets, la structure narrative tourne autour d’un whodunit qui aura pour fonction de pousser le joueur à découvrir l’auteur et la raison de ce meurtre de sang froid (contrairement au cadavre qui lui est encore tiède).

Derrière une intrigue policière somme toute assez classique se dessine un second dessein plus mystique que catholique. À mesure que George enquête sur ce crime dont il a été témoin, peu à peu se dévoile une sous-intrigue qui gagne de plus en plus en importance. Celle-ci tournera autour de l’objet du vol, une peinture appelée  »La Malediccio », œuvre maudite qui serait reliée à une espèce de secte religieuse aux penchants machiavéliques.  »Vous prendrez bien un peu de fantastique avec votre café, Monsieur Stobbart ? » pensai-je tout bas.

À partir de là, nous retombons dans les vieux penchants de la série à savoir son goût pour l’ésotérisme n’étant souvent qu’une façade pour une bande de malotrus aux ambitions plus pragmatiques que spirituelles, même si dans le cas présent, il est encore trop tôt pour se prononcer, cette partie là n’étant qu’à peine effleurée alors que le rideau de fin se referme pour mieux nous inviter à attendre le second épisode, qui espérons le, saura nous faire vivre l’aventure pour laquelle nous étions venus.

Un épisode plutôt calme…

Il faut bien avouer que ça ne décolle réellement que sur la fin de l’épisode nous laissant sur un cliffhangher et un retournement de situation bien frustrant sachant qu’il faudra attendre avant de pouvoir savoir de quoi il en retourne.

Pour autant, on ne s’ennuie pas vraiment. En termes de rythme et de mise en scène, La Malédiction du Serpent est un véritable bonheur. Il n’y a pas de temps morts (sans mauvais jeu de mots), les dialogues sont vraiment très bons et remplis de petites répliques toujours pleine d’humour et du sarcasme bien connu dont peut faire preuve l’ami George. Revoir de vieilles connaissances comme le sergent Moue et sa candeur amusante, Laine, l’expert en art hautain et dragueur du dimanche, ou encore Fleur la vendeuse de plantes du même nom et voyante durant son temps libre, représente à chaque fois une rencontre pleine de souvenirs servie par des dialogues écrits au diapason. Les nouveaux acteurs de cette affaire ne sont pas en reste entre un inspecteur de police grandiloquent et antipathique ayant un air de déjà vu, ou la veuve épleurée et ses amourettes de pacotilles font que chaque moment passé en leur présence est toujours en soit amusant, ou plutôt inquiétant quand on fait face à un mafieux russe.

L’histoire se poursuit donc bon gré mal gré avec une certaine qualité, mais sans véritables moments forts, juste une succession de scènes drôles et intelligemment écrites. Et c’est peut-être là que se trouve le problème de ce premier épisode.

C’est dans les vieux pots que l’on fait les meilleurs meurtres

Nous voilà donc reparti une fois de plus dans ce Paris de carte postale, caricatural par moment mais fait avec amour (on ne situe pas ses jeux plusieurs fois de suite dans la célèbre capitale française sans l’aimer, surtout quand on est anglais !), et avec un certain humour aussi. Comme s’il fallait brosser les fans dans le sens du poil à gratter, tout est fait pour nous rappeler à notre bon souvenir les meilleurs moments des précédents volets, et plus exactement les deux premiers, les plus appréciés des quatre.

Que cela soit son générique d’introduction, sa musique, sa mise en scène avec l’envol d’un volatile, la présence de personnages connus, et d’autres subtiles références, chacune des molécules de ce jeu jouent sur la fibre nostalgique. On imagine bien que Charles Cecil a fait son possible pour satisfaire son public en multipliant les appels du pied vers un passé qui fut et reste glorieux. La Malédiction du Serpent est classique au possible, et en même temps a été plus affiné pour mieux correspondre aux goûts d’aujourd’hui, notamment en simplifiant, ou optimisant (cela dépend du point de vue), son gameplay.

Alors si vous aussi êtes un vétéran, vous ne vous sentirez pas perdu en sachant que ça se joue exactement de la même façon que dans les autres Baphomet, et plus exactement comme leurs versions mobiles remaniées pour l’occasion.

En effet, toute l’interface est sensiblement la même, très simple d’utilisation et sans fioritures inutiles. En plus des énigmes coutumières du genre, comme la nécessité d’associer divers objets – ici la tâche étant simplifiée en nous grisant ce qui ne peut être combiné ensemble – afin de débloquer la situation, nous avons droit à quelques puzzles bien sympathiques semblables à ceux de la Director’s Cut des Chevaliers premier du nom. Pour le reste, on verse dans l’ultra-classique, le jeu reposant sur une progression très linéaire. Il sera très difficile d’être bloqué, les énigmes n’étant pour la plupart pas insurmontables et plus logiques qu’elles ne pouvaient l’être dans les anciens titres de la série, et s’inscrivent avec plus de cohérence dans la narration. Si vraiment vous veniez à tourner en rond sans trouver de réponse à vos questions, un système d’indice bien conçu devrez pouvoir vous aider.

Ce jeu n’a clairement pas la prétention de vouloir réinventer la roue. Revolution Software s’est efforcé de reprendre tout ce qui pouvait plaire aux fans tout en y apportant les améliorations que les adaptations sur support mobile leur ont appris. Des améliorations minimes mais suffisantes pour moderniser leur jeu, comme des énigmes plus logiques, un inventaire remanié dans son ergonomie pour une progression globalement plus fluide de l’histoire.

Restant exactement dans cette même optique d’un retour aux sources salvateur, la réalisation n’est pas en reste. Les décors font un retour flamboyant dans une 2D faite à la main absolument magnifique riche en couleur et en détails. Nos héros et leurs interlocuteurs sont par contre en 3D, mais cette fois-ci cell-shadée, ce qui reste mieux que rien même si leur intégration au sein des décors n’est pas toujours ni évidente, ni toujours réussie notamment à cause d’un travail un peu faiblard au niveau du rendu des ombres. Leurs animations elles-mêmes souffrent d’une certaine rigidité parfois disgracieuse, même si je dois bien avouer avoir déjà vu pire. Il ne faudra pas s’attendre au charisme des animations faites main comme cela était encore le cas à la grande époque, avant que la troisième dimension ne devienne le seul argument de vente valable pour un jeu.

Un doublage unique

Heureusement, le retour d’un casting de voix de choix nous fera assez vite occulter ces petites incartades techniques avec le retour au micro en version originale comme en version française des mêmes acteurs que pour les anciens jeux. Quelle joie de retrouver le doubleur français de George avec son accent inimitable et si particulier !

La Malédiction du Serpent n’est pas un mauvais Broken Sword, ni même un mauvais point and click, mais avouons le tout de suite, une sortie sous forme épisodique lui a fait plus de mal que de bien. Je ne suis pas particulièrement partisan du principe du jeu par épisode qui a pour mauvais point de hacher considérablement le rythme de l’histoire et l’implication que peut avoir le joueur dans l’aventure. Un cliffhanger abrupt et frustrant, voilà ce qui vous attendra dans ce premier chapitre des nouvelles aventures de George et Nico. Sur les six heures passées à jouer, seules les deux dernières commençaient à réellement s’intensifier et à offrir une ambiance digne de la série. Non pas que les quatre premières eussent été ennuyeuses, au contraire, mais simplement plus légères de ton et moins passionnantes sur le plan de l’histoire. La narration prend réellement son envol lorsque paradoxalement le mystère s’épaissit enfin.

Voici donc comment prendre la chose. Si vous aimez les point and click, il y a de fortes chances que vous aimiez les Chevaliers de Baphomet, et dans le cas qui nous intéresse, celui-ci est un retour aux sources bienvenu et agréable. Tout aussi frustrant qu’elle soit, la fin de cet épisode semble augurer du meilleur pour le second. De ce fait, je vous en conseille l’achat ne serait-ce que pour soutenir l’initiative de Revolution Software et espérer revoir de nouvelles aventures prochainement (ou assurer la sortie d’une suite à Beneath A Steel Sky). Par contre, jouez-y une fois le deuxième épisode sorti afin de bien apprécier ce cinquième Baphomet dans son entièreté.

Si vous ne faites pas parti de ce clan, il serait selon moi plus avisé de se donner rendez-vous dans quelques semaines afin de voir s’il tient vraiment toutes ses promesses. En l’état, ce premier épisode fait beaucoup trop figure d’introduction pour suffire à rassasier l’affamé de jeux d’aventure. Le mieux est encore d’attendre sagement, mais quand même, vivement la suite !

(Une sortie sur IOS, Android et PSVita est également à l’ordre du jour pour 2014)

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