Betrayer

En noir et blanc, le jeu de Blackpowder a fait parler de lui, si bien et si mal que des petits malins ont pesté devant son manque de couleur. Alors les développeurs, des anciens de chez Monolith ayant travaillé entre-autres sur les excellents No One Lives Forever, y ont mis de la couleur. Et on pensait le jeu mort-né. Et on avait furieusement tort…

Noir & Blanc & Rouge

XVIIème siècle. Vous êtes un colon anglais débarquant dans un monde plutôt sauvage. Vous trouvez un fort, déserté, puis faites la connaissance d’une jeune femme en rouge qui marche pied nus avec son arc toujours à la main. Elle vous rencontre lors d’un affrontement contre d’étranges conquistadors. C’est là que débute votre aventure, à l’atmosphère étonnante, inquiétante et très artistique. Dans ce monde en noir & blanc, les choses teintées de rouges sont toutes celles qui doivent vous intéresser : les ennemis, ces conquistadors qui sortent de nulle part, sont parés d’une écharpe rouge qui les fait paraître hors du décor. Ce tonneau rempli d’eau rouge vous redonne de la vie. Cette caisse d’armes à halo rougeâtre vous permet d’échanger votre argent contre des munitions pour vos différentes armes disponibles. Tout ce qui est rouge est important !
Un arc et une arbalète sont là pour jouer les Robin des Bois en monochrome. Un pistolet et un fusil sont aussi de la partie mais peinent à se recharger : nous ne sommes même pas au 17e siècle, je vous rappelle. Reste ce tomahawk que vous pouvez lancer droit devant vous et qui tuera un ennemi d’un coup si la visée est bonne. Mais attention, comme pour toutes vos munitions d’arcs et de carreaux, il va vous falloir ramasser votre arme de jet ! Sans quoi vous pourriez la perdre et devoir en racheter une. Tout est très réaliste dans Betrayer, sauf son univers paranormal.
Une cloche se trouve dans le fort que vous venez de découvrir. Une fois frappée, cette cloche vous permet de changer de « phase » et vous vous retrouvez dans le noir, dans ce qui ressemble au royaume des morts. Vous parlez à des fantômes qui vous donnent quelques indices sur ce qui s’est passé dans ces lieux désertés par l’humanité et vous devez fouiller toute la zone à la recherche d’objets cachés, de tombes, de coffres… Mais attention : dans ce monde des morts, les conquistadors déjà bien retors se sont transformés en squelettes, cranes volants et autres horreurs aux cris stridents.

Vous voulez y mettre un peu de couleur ?

Tout au long de la dizaine de lieux, il va vous falloir faire la même chose : fouiller la zone de fond en comble sans qu’aucune indication ne soit disponible sur la carte, tuer des ennemis qui protègent des campements vous servant ensuite de points de téléportation rapide, trouver la cloche, parler à un maximum de monde et entrer dans les ténèbres. Une fois dans le noir, vous pouvez appuyer sur une touche permettant de « crier », pour savoir ou se trouve le prochain lieu ou objet important. Sur votre compas, en haut de l’écran, une aide visuelle vous donnera la direction à prendre. Vous y trouverez un fantôme qui fera avancer votre enquête ou bien un totem, possédé par une malédiction. Des squelettes sortiront du sol et vous attaqueront. Et bien entendu, leur défaite et votre seul moyen de lever la brume maléfique qui s’empare des totems précédemment décelés.
Toutes ces aides que sont le compas ou le cri dans les ténèbres peuvent être désactivées pour ceux voulant jouer à cette expérience de la façon la plus réaliste possible. Autre idée des développeurs, suite à des plaintes (honteuses) des joueurs lors qu’il était encore en Early Access : la possibilité d’y ajouter des couleurs. Et mine de rien, c’est pas aussi horrible qu’on pouvait le penser. L’idée est cassée, il y a moins d’ambiance, mais les couleurs sont magnifique pourvu qu’on les laisse comme le mode nous le propose. On peut les changer, les atténuer, faire un mix des deux « styles », une certaine liberté et donnée au joueur. Mais sincèrement, jouez-y déjà comme les développeurs ont voulu vous le proposer au premier abord. On ne choisit pas les couleurs d’un Rembrandt ou d’un Picasso à ce que je sache, non ? Oui, c’est discutable. C’est pourquoi cette option est parfaite.

Répétitif mais onirique…

Betrayer est clairement une poésie macabre du plus bel acabit. On n’en attend rien en début de jeu et on s’attend même à trouver en lui une sorte de FPS/Amnesia de plus, mais il n’en est rien. Betrayer, c’est de l’escapade dans la foret, de la visée avec un arc pour tenter de toucher la tête et tuer un ennemi d’un seul coup. C’est vivre la fuite face à une brute et lui lancer à la volée un tomawhak en pleine face, de recharger son arme extrêmement lentement alors qu’on est poursuivi par trois ou quatre conquistadors maudits en même temps. C’est tenter de supporter les bruits stridents que ces totems maléfiques nous lancent, alors qu’on s’apprête à se battre avec une poignée de squelettes en rogne. Et ces dix niveaux répétitifs, ou on y fait toujours la même chose, avec le même cheminement. Et ces coups de tonnerre nous prévenant qu’un ennemi s’engage vers nous, ces grognements, cette bande son servant avec génie un Game Design très original…
Mais Betrayer, c’est aussi et surtout cette jeune fille vétue de rouge, dont on ne connait pas l’alignement, qui reste très mystérieuse et semble être au cœur de toute l’aventure. C’est une histoire profonde, bien plus qu’il n’y paraît lors des premières heures de jeu, qui demande une demi-douzaine d’heures pour être parcourue une fois. Comptez le double pour faire le tour des niveaux et trouver tous les objets cachés.
Betrayer, c’est la promesse d’un FPS différent qui a totalement réussi son pari. C’est aussi un Early Access de qualité qui s’est transformé, grâce (et à cause) des joueurs, en un produit bien réglé, à la difficulté relevé mais pas horrible pour autant. Plusieurs modes de difficultés sont d’ailleurs au rendez-vous pour ceux qui aiment les duels d’arcs ou se plonger dans le scénario sans trop en baver. Betrayer est clairement l’une des plus belles surprises de cette année et on espère de tout cœur qu’il saura trouver son public et faire parler de lui. Il mériterait un beau succès, digne de l’œuvre sublime qu’il est. Et cela malgré tous les défauts qu’on peut lui trouver.

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