Une ambiance plutôt glauque, des couleurs néanmoins assez pétantes et flashy, des monstres au design relativement simple mais toujours accrocheur, une sorte de créature humanoïde sans tête… aucun doute, GoNNER est bien le nouveau jeu de Ditto ! Pour ceux qui ne sont pas familiers avec son oeuvre, Ditto est l’auteur de tout un tas de petits jeux tels que le merveilleux DAGDROM ou encore le très chouette hets, en quelque sorte ancêtre de GoNNER. Ce dernier est donc son premier jeu commercial, bien plus gros et peaufiné que les précédents, Ditto s’occupant de tout sauf de la partie sonore, Martin Kvale (connu notamment pour la musique de Teslagrad et Among the Sleep) étant derrière la bande-son.
Spelunky sous acide
Mélange entre un platformer, un rogue-like et un shooter en side-scrolling, GoNNER est par essence un jeu difficile. Il nécessitera d’innombrables essais pour progresser à chaque fois un peu plus dans les différentes salles générées procéduralement, et le double pour commencer à faire des scores décents. Il n’est cependant jamais injuste : un vrai sentiment de progression existe alors que l’on se met à enchaîner les combos de plus en plus facilement ou que l’on s’habitue à un nouvel objet découvert dans un recoin caché. La difficulté est présente dès que l’on commence à jouer et ne fait que s’intensifier lorsque l’on avance à travers les différents mondes du jeu, devenant de plus en plus intense.
Intense est probablement le premier mot qui me viendrait à l’esprit pour parler de GoNNER. La plupart des jeux du genre ont une certaine intensité propre apparaissant dès qu’il y a tout un tas d’ennemis à l’écran, mais GoNNER se démarque particulièrement dans ce domaine au point qu’il en devient par moments assez stressant. Cet aspect du jeu repose sur diverses mécaniques plutôt intéressantes. La première est évidemment le fait de devoir tuer les ennemis en série sans interruption afin de garder ses combos et d’obtenir le meilleur score possible. Il suffit ainsi d’une salle générée de façon à avoir des ennemis plutôt éloignés ou d’une erreur au millimètre près pour se rater et passer d’un potentiel high score à un échec – voire à un game over. La seconde mécanique est liée au système de santé et d’équipement du jeu, intimement liés l’un à l’autre.
En effet, à tout moment, le personnage possède une tête, une arme principale et un sac à dos, chacun ayant ses caractéristiques propres et de nouveaux pouvant êtres débloqués. Dès qu’on prend des dégâts, le personnage vole en morceaux et l’intensité monte alors d’un seul coup : chaque dégât supplémentaire pris mène à un game over tandis qu’il faut courir dans tous les sens pour ramasser son équipement. Aussi impuissant qu’on puisse se sentir lorsque son personnage vole en éclats, je n’ai pas vraiment souvenir de moments de jeu vidéo aussi intenses que lorsque l’on perd la tête et les armes sans espoir de les retrouver, devant courir à travers les niveaux à la recherche de remplacements. L’intensité intensifie la difficulté du jeu – et au passage la frustration à chaque fois qu’on se rate – mais c’est aussi ce qui fait que les dizaines d’échecs successifs en valent la chandelle. Tout cela rend GoNNER infiniment gratifiant, particulièrement quand on réussit à se sortir d’une situation qui semblait peine perdue.
Tête GoNNER, Infini BoNER
Une qualité que j’apprécie aussi beaucoup dans GoNNER par rapport à la plupart des roguelike récents – bien que ce soit un genre de jeu que j’apprécie tout particulièrement – c’est qu’il repose entièrement sur les capacités du joueur plutôt que sa chance et le hasard. Tout l’équipement est choisi au début d’une run et l’on peut concrètement retrouver avec tout autre équipement que l’on voudrait au cours de celle-ci, en plus de nouveau à débloquer en explorant les niveaux. Le seul élément véritablement aléatoire est la disposition des salles et des monstres dans chaque monstre ; le level design est cependant plutôt solide, ne laissant ainsi pas grand-chose à la chance. Les différentes armes et têtes sont assez différentes et permettent, selon les combinaisons faites, de s’adapter à la plupart des styles de jeu et surtout de varier ceux-ci, augmentant la rejouabilité du jeu.
Paradoxalement, GoNNER s’est vite installé comme mon jeu du moment pour me détendre et me relaxer. Les parties sont suffisamment courtes – aussi bien à cause du fait que l’on meurt et recommence souvent qu’en faisant le jeu du début à la fin – pour lancer GoNNER dès qu’on a un moment de libre. Les mécaniques de jeu sont agréables et relativement addictives, donnant toujours envie de relancer une partie et laissant s’installer une certaine routine. Curieusement, l’ambiance glauque du jeu est plutôt apaisante. Si la patte graphique, les palettes de couleurs et le jeu de lumière ont un rôle très important là-dedans, c’est plus particulièrement l’aspect sonore qui pose l’ambiance de GoNNER.
La bande-son est assez merveilleuse en elle-même, toujours très chouette à écouter même en dehors du jeu. Cependant, elle devient particulièrement géniale en jeu, combinée à tout l’incroyable travail de sound design qui donne un cachet tout particulier au jeu. Cet aspect est aussi accentué par sa narration et la philosophie derrière celle-ci : rien n’est expliqué, tout est à découvrir. La narration et l’interface sont subtiles et légères, chaque objet devant être expérimenté pour pouvoir comprendre ce qu’il fait, ceci n’étant pas toujours évident quand certains effets sont passifs. En plus d’éviter l’effet wiki que peuvent avoir certains roguelike et leurs centaines d’objets, cela pousse le joueur à essayer tous les styles de jeu et à explorer par lui-même.
GoNNER est un jeu qui s’apprécie le plus en sautant dedans aveuglement. On y retrouve les bases solides des précédents jeux de Ditto (que je conseille éventuellement d’essayer ne serait-ce que pour se donner une idée d’à quoi s’attendre avec notamment hets mais aussi DAGDROM qui est en lui-même assez génial) bâties autour d’un concept addictif et saupoudrées de mécaniques passionnantes, d’une finition exemplaire et d’une fabuleuse bande-son. GoNNER est une petite perle qui se mérite, demandant de passer quelques heures en sa compagnie avant de pouvoir pleinement apprécier ses nombreuses qualités. Difficile, intense, relaxant, stimulant, apaisant et passionnant, GoNNER est un vent de fraîcheur dans un genre qui n’en manquait pourtant pas.